Edouard Mirzoyan
Marseille 1978

Edouard Mirzoyan et Alexandre Siranossian




Photo prise à Damas

Collection Alexandre Siranossian_

Edvard Mik'aeli Mirzoyan par Roland Melia, chef d'orchestre à St Pétersbourg

  • Dans les années quarante, un groupe de compositeurs intelligents et doués apparut avec assurance sur la scène musicale arménienne, se faisant connaître et aimer rapidement à la fois dans l'ancienne Union soviétique et à l'étranger. Parmi ces puits de talents se trouvaient Arutunyan, Babadjanyan, Saryan et Mirzoyan.

  • Edouard Mik'aeli Mirzoyan naquit le 12 mai 1921, dans la ville de Gori. En 1941, il fut diplômé du Conservatoire de Yérévan, du cours de composition de Talyan, et termina ses études à la fin de la guerre, avec Litinsky et Peyko à Moscou. A cette époque, il avait déjà écrit les deux poèmes symphoniques Loretsi Sako et Aux héros de la guerre patriotique, les Danses symphoniques et plusieurs romances et autres vocales. Puis suivirent des oeuvres de diverses formes, de la cantate à la musique pour le cinéma et des oeuvres solo pour le cor d'harmonie et le trombone et passant par le poème et l'ouverture symphonique. Peut-être ses compositions les plus appréciées et les fréquemment jouées sont-elles Introduction et Moto Perpetuo pour violon et orchestre, Sonate pour violoncelle et piano et le Poème pour piano.

  • Ayant hérité d'un puissant style national, de compositeurs tels que Aram Khachaturian, Mirzoyan imprègne, néanmoins, sa musique d'une fraîcheur et d'une individualité engageantes. On rencontre rarement des extrêmes dans le contenu émotionnel ou dans les moyens d'expression – il n'expose jamais d'innovation ou d'effet frappant simplement pour le plaisir de le faire. A la place, la dissonance et même la polytonalité, des changements intéressants de ton et des caractères rythmiques particuliers prennent un rôle modeste et intégrant, toujours avec un sens du goût et du style, dans ce qui est, habituellement, une impression structurelle économe et transparente. Le penchant de Mirzoyan pour une droiture de ligne vocale et des proportions harmoniques strictes indique une forte influence de la tradition folklorique urbaine arménienne.

  • Ceci n'est, nulle part, plus apparent que dans la Symphonie pour timbales & cordes. Jouée pour la première fois, sous les applaudissements, en 1962, ceci est une oeuvre pleine d'émotions mûres et équilibrées. Elle comporte des éléments de drame, des moments de tristesse et même de chagrin mais son humeur est souvent d'une clarté d'esprit et d'une délicatesse de pensée presque mozartiennes. Bien que la forme de la Symphonie soit plutôt orthodoxe – introduction lente, premier mouvement dramatique, scherzo, adagio et finale rapide – Mirzoyan a élaboré l'imagerie de chaque mouvement d'une manière spontanée et personnelle.

  • L'introduction au premier mouvement (Andate patetico – allegro moderato) anticipe, dans un style de chorale plutôt épique, le caractère émotionnel prédominant. De là éclate un thème principal actif et parfois rigoureux, lui-même né d'une mélodie folklorique arménienne. Il commence parmi les violoncelles et la basse et remonte à travers les sections de l'ensemble vers une apogée emphatique. Un solo de violon exceptionnellement obsédant suit, planant, clair comme du cristal au-dessus d'un sombre coussin d'accords. les violoncelles continuent avec un second thème réfléchi ponctué par du violon solo dans le même esprit. le thème principal interrompt et est développé d'une manière fuguée avant de ne forger une apogée qui prend fin abruptement.

  • Le second mouvement (Allegretto ma non troppo) est une sorte de scherzo saugrenu basé sur une figure mélodique rythmique continue qui porte la musique impitoyablement vers la fin du mouvement. La mélodie, simple et raffinée, se déroule alors qu'elle repasse d'un groupe d'instruments à un autre. Prenant ses racines dans les airs de danse arméniens, elle monte et descend en suivant le mouvement du danseur. Le moment superbe est un air enfantin extrait brièvement en trilles légères et en harmonies artificielles. Ce moment de tranquillité s'assombrit bientôt et le scherzo reprend son cours vers une conclusion plutôt irrésolue.

  • Les violoncelles commencent le troisième mouvement (Adagio – andante dolorosa – allegro risoluto) avec le thème de chorale qui avait amené le premier mouvement. Soutenant l'humeur du premier mouvement, les altos commencent un autre thème, sombre et profond. Les seconds, puis les premiers violons reprennent ceci avec la présentation d'un accompagnement de triolet, l'anxiété tourne au drame alors que le thème s'élève vers une apogée. L'instabilité demeure alors que des fragments de thème, accentuées par timbales, sont exposés sur une partie d'alto se mouvant rapidement qui, progressivement, descend en tournant et finit par une dernière courte explosion de tout l'ensemble.

  • Des accords Tutti nous appellent vers le final (Allegro vivo – andante – allegro) et, bien que nous sentions qu'une arche a été dessinée à partir du second mouvement en matière d'impression structurelle, le caractère n'est plus impatient mais c'est une demande persistante de vivre. Des fragments de thème de mouvements précédents sont réintroduits mais l'impression dominante est celle d'une tornade qui s'empresse fougueusement vers la fin.

  • Dans Thème et Variations, le Thème (Adagio espressivo), en Ré mineur est présenté vigoureusement par l'ensemble entier en riches couleurs sombres.

  • Dans la Variation Un (Allegro agitato), les altos continuent l'humeur du thème avec un lourd accompagnement de pizzicato du reste de l'ensemble. Les rôles sont échangés tandis que les violons emportent la mélodie vers sa fin et enchaînent avec la Variation Deux (andate cantabile). Une mélodie de violon, qui plane, relevée d'intervalles augmentés le parfum de la musique folklorique arménienne devient la contre-mélodie à une autre sur les violoncelles. Ceci est développé par les violons vers une apogée insistante d'où sort encore la mélodie de premier violon, cette fois jouée par un quatuor. Cette humeur de réflexion est brisée par le contenu plutôt barbare de la Variation Trois (Vivace risoluto). Ceci entoure une section intermédiaire qui, bien que très agitée, a une qualité plus lyrique. Une mélodie de violon sincère traverse la Variation Quatre (Grave). Toujours attendrissante, elle est ponctuée d'interjections menaçantes des altos. Une section intermédiaire plus instable, encore avec ce parfum folklorique, se jette dans une cadence pour violon solo avant qu'un quatuor ne récapitule la mélodie du premier violon. La Variation Cinq (Allegretto Vivace) est un scherzo avec, une fois encore, un courant sous-jacent menaçant. Dans la section intermédiaire très agitée, violons et altos se disputent l'attention. Un court passage ramène à une Coda (Adagio espressivo) de la même humeur, et même musique, que le Thème dans lequel des accords étendus sont présentés pour souligner sa grandeur.

  • En Mémoire d'Aram Khachaturian commence une procession d'accords qui, tout en étant tranquilles, sont pleins de mystère. Deux violons solos sont suspendus pendant un moment au-dessus d'harmonies plus sombres qui mènent l'auditeur dans le thème principal. Contraints par un sentiment d'urgence grandissant, nous arrivons à une section intermédiaire introduite pour le violon solo. Ceci, à son tour, est conduit, au fur et à mesure que les rythmes folkloriques deviennent de plus en plus instables, pourtant vigoureux vers une apogée qui, soudain, atteint son plus bas niveau, nous laissant réfléchir à nouveau sur le contenu de la première section. Les accords d'ouverture reviennent. Une explosion soudaine de l'ensemble s'affaiblit, laissant leurs deux violons solos monter.

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  • Roland Melia - Boursier de violoncelle primé à la Royal Academy of Music, Roland melia a travaillé en tant que violoncelliste pour, entres autres, le City of London Sinfonia, le Scottish Chamber Orchestra, le Lontano, le London Musici, le Consort of London et le English National Opera.
    Avant de décider d'étudier la direction d'orchestre de 1991 à 1992 avec Ilya Musin au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, Melia avait déjà dirigé bn nombre d'exécutions du Lac des Cygnes, de Cendrillon, et de plusieurs ballets en un acte pour le London City Ballet. Il avait aussi pris des cours particuliers, à Paris, avec David Robertson, Directeur Musical de l'Ensemble Intercontemporain, et avec Charles Bruck à la Pierre Monteux School, dans le Maine aux Etats-Unis.
    A partir de 1992, Roland Melia travailla à St Pétersbourg avec le Ballet Classique Russe et avec nombre des principaux orchestres et ensembles de la ville, culminant avec sa première apparition en concert avec l'Opéra Philharmonique de Saint Pétersbourg. En 1994, il a commencé une série d'enregistrement pour ASV avec l'Ensemble de Chambre de St Pétersbourg, comprenant des musiques de Mirzoyan, Myaskovsky, Slonimsky, Scherbachov et Popov
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