Silva Kaputikian
Vahakn Davtian
  • Nous flânons dans les noires ruelles,
    Moi amoureuse de toi, toi... amoureuse d'une autre !
    Nous brûlons d'un feu passionnel,
    Moi pour toi, toi pour une autre !

    Nous manquons l'un l'autre, rions et pleurons,
    Moi par tes paroles, toi par une autre !
    Nous nous enfonçons dans un rêve merveilleux,
    Moi par ton existence, toi .. par celle d'une autre !

    Tant pis. Que faire ? ... Que le destin bouteux,
    Dans ce pauvre monde nous oublie,
    Pourvu que nous vivions toujours en amoureux,
    Même s'il le faut, moi de toi, toi d'une autre !






  • Le sable s'effrite, le sable brûlant,
    Le ciel est bleu et comme transparent,
    Et sous ce firmament d'azur illimité,
    Tu te tiens debout, droite et retirée,
    Evoquant l'image de l'Amour et de la Femme.

    La mer s'ondule d'un frisson bleu,
    Ton front est fier, triste et gracieux,
    Mais toi, tu es jolie, comme une amphore ;
    Et comme une amphore svelte est ton corps !

    Tu marches gracieuse, élégante,
    Tes cheveux noirs, jetés en arrière, enchantent ;
    Et tes seins tremblent de l'ampleur de la mer ?
    Et scintillent d'une légère lumière stellaire !

    Dans tes yeux s'adoucit la lumière,
    Jolie tu es comme la faute d'Eve !
    De ton corps s'égoutte une triste sève,
    Au cri lointain d'une mouette solitaire !
Guévork Émine
Monologue de Laure et de Pétrarque
  • Comme un point d'interrogation,
    Mon corps est courbé et rond ;
    Il cherche avec moi :
    Où es-tu ? Où es-tu ?
    As-tu oublié, toi ?
    As-tu trahi ?
    Puis tu es partie ?
    Ave, Laure...

    Comme si du froid tout était gelé,
    Il n'est resté,
    Que la flamme de ton amour.
    Combien de temps la flamme d'une bougie peut-elle briller ?
    Ave, Laure...
Dans ce Moyen-Age de l'émotion et de l'esprit,
C'est l'amour seul ma croix et mon épée.
Si tu n'es pas en vie,
Alors pourquoi je prie ?
Ave, Laure...

Mon sang affolé par la passion,
Enfonce un poignard dans mon cœur grenade.
Est-ce que même l'amour,
Dans ce siècle sans amour,
Est une trahison, Laure ?
Ave ...



Hovhannès Chiraz
  • Ton silence si proche ou si éloigné,
    En jonquilles blanches je le changerais;
    Cette tristesse douce coulant de tes cheveux,
    J'en remplirais ma vie, comme un poète amoureux.

    Je m'en désaltérais marchant sans fin,
    Et chanterais sur les poussiéreux chemins ;
    Mon morne silence toute ma vie je brûlerais,
    Comme de l'encens sous tes petits pieds,
    Comme Pétrarque dans ses chants et sonnets !
  • Le crépuscule

    Le Soleil s'éteint si paisiblement
    Comme s'il ignorait le sens de la mort,
    Gardant sur son visage un sourire d'or
    Dans le noir tombeau de la nuit descendant.

    Oh ! si je savais moi aussi,
    Qu'après la mort je reviendrais à la vie,
    Que je verrais encore l'aurore !
    Moi aussi, souriant, j'irais à ma mort
    Moi aussi, je mourrais tranquille comme lui
  • Je me demande souvent
    Si les fleurs peuvent-elles penser ?
    Si les fleurs peuvent-elles aimer ?
    Et si les fleurs peuvent-elles chanter ?

    Comment peuvent-elles ne pas sentir ?
    Comment peuvent-elles ne pas souffrir,
    Quand elles aussi doivent mourir...






  • A ma mère

    La neige tombe s'entassant
    Sur la tombe de ma mère,
    Comme du duvet tout blanc,
    Des ailes d'un ange éphémère.


    La neige tombe s'entassant
    Tristement et tout doucement
    Couvrant la tombe de ma mère
    Comme du marbre éblouissant !


    Dieu lui-même si tendrement
    Laisse tomber ces légers flacons
    Sur le vieux cœur de ma mère, endolori,
    Pour qu'elle ne souffre plus toute sa vie...
  • Nous étions paisibles comme nos douces montagnes,
    Vous nous avez envahis comme des ouragans sauvages.
    Nous nous sommes levés contre vous comme nos montagnes,
    Vous avez hurlé, tonné comme des ouragans sauvages.
    Mais nous sommes éternels comme nos montagnes,
    Vous vous enfuirez comme des ouragans sauvages
  • Quand j'étais petit, je me demandais
    Où le soleil la nuit se cachait !
    Mais quand j'ai grandi
    J'ai alors compris,
    Où le Soleil se trouvait la nuit !
    Dans les cœurs des amants où il luit !
    Il est dans les yeux et les embrassements,
    Il est dans les baisers donnés à bonne fin,
    Et sous les couvertures des berceaux d'enfants !

Rêve

Dans mon rêve tu brûlais
Les lettres que je t'avais rédigées.
Oh ! si tu les ouvrais un jour,
Tu y trouverais tout mon cœur, mon amour !

Dans mon rêve tu dévorais
La lettre d'un autre aimé ;
Sur ta poitrine tu la serrais,
Dans les nuées de ton nouvel amour,
Je te voyais en extase, te plonger !

 

Dans mon rêve tu te promenais dans la cour
Sous l'étoile de ton nouvel amour ;
J'étais tombé sur ton chemin
Comme une lettre brûlée, un chagrin...

Comme trois brillantes étoiles immortelles
Dans mon cœur resplendissent trois amours éternels!
J'ai avoué à ma belle, bien aimée
Qui, de suite, navrée, s'est attristée.

- Ne te désole pas, chérie, je lui dis
Et notre nid d'amour ne démolis,
Car sur mon âme je le jure et je te dis
Je n'aime que ma Mère,
Toi et ma Patrie !

La femme

Je me lèverai un jour pour arracher une pierre
Du pur marbre de l'Himalaya,
Pour sculpter mon rêve séculaire
Dans les étoiles comme le mont Ararat !

Pour que je crée la femme comme elle existe
Dans le fond de mon rêve lumineux,
Je sculpterai ses yeux de telle manière,
Que son regard émouvra même les Dieux !

Les seins de ma belle seront faits de telle façon,
Que par leur splendeur les morts se réveilleront !
Que les étoiles, comme les hommes, s'en éblouiront ! Mais elle, amoureuse, ne cherchera que moi !

Tous les hommes et le ciel l'adoreront,
Mais elle n'accordera son doux regard à personne;
Et sans cesse parmi les étoiles elle me cherchera,
De cette hauteur majestueuse elle m'appellera !

C'est comme cela que je sculpterai
O! Etoiles, la femme rêvée,
Pour que Mère-Nature apprenne de moi,
Comment elle devait créer la Femme aimée !