_<<< Peinture : : Nicolas Fetvadjian_


Grégoire de Narek (950-1003)
  • Né dans la région d'Andzévatsiats, dans la province de Vaspourakan (Arménie historique). Il fut éduqué par son père, Khosrov Andzévatsi, puis par son oncle, Anania Narékatsi, au monastère de Narek. Ils eurent une position critique envers les méthodes de l'église arménienne de l'époque et développèrent l'idée d'un contact direct avec Dieu.

  • De Grigor Narékatsi nous sont parvenus vingt-cinq poèmes choisis, un grand poème (le Livre des Lamentations), quelques panégyriques, des odes et des chants didactiques. D'un riche savoir, d'un grand pouvoir créateur et d'une liberté sociale sans entraves, il fut le plus grand poète du Moyen Age arménien.

  • Narékatsi retrouve actuellement dans la littérature arménienne. et mondiale, la place qu'il mérite : celle du représentant de la Renaissance arménienne, antique prélude à la Renaissance européenne. Son influence se fit sentir sur la poésie des époques qui suivirent, jusque et y compris la nôtre.

  • Rouben Mélik (Paris)


  • Prières de repentir

  • J'ai péché à ta grande bonté, moi, le vil, j'ai péché ; j'ai péché à toi, source des rayons, moi ténèbres, j'ai péché ; j'ai péché à ta grâce infinie, en vérité j'ai péché ; j'ai péché à ta haute charité, ouvertement j'ai péché ; j'ai péché à toi qui m'as créé du néant, réellement j'ai péché ; j'ai péché à ton sein de suprême tendresse, immensément j'ai péché ; j'ai péché à ta douce et intarissable lumière, moi, le perfide, j'ai péché.

    Et tel un homme violemment bouleversé par une interminable et torturante agitation dans la mer aux vagues périlleuses tourmentées par le vent, et qui serait entraîné et roulé en un torrent sauvage, remuant ça et là les doigts des mains dans le courant impétueux grossi par les pluies du printemps, emporté malgré lui en une lamentable dégringolade, avalant l'eau trouble et étrangleuse, poussé en des douleurs mortelles dans la vase fétide, moussue et embroussaillée, où il se noierait écrasé sous les flots : Tel moi, misérable, on me parle et je ne comprends plus ; on me crie, et je n'entends plus ; on m'appelle, et je ne me réveille plus ; on sonne, et je ne reviens plus à moi-même ; je suis blessé, et je ne sens plus.

    Et je n'ai pas cueilli le fruit prématuré, et je n'ai pu arriver aux cueilles du renouveau, et voici que je demeure les mains vides de biens ; je n'ai pas la fleur de pureté ni l'huile de charité, et les ténèbres de la nuit sont sans aucune lueur ; je dors du sommeil de la mort, et la frayeur de la trompette du jugement me persécute ; je me suis encore une fois dépouillé de la parure nuptiale, et j'ai perdu de nouveau l'onction de sainteté, et voici que se ferme devant moi la porte de la maison de l'époux.


  • Traduction : Archag Tchobanian
    Poésie arménienne – Anthologie - Sous la direction de Rouben Mélik. Paris 1973