-
Numismatique arménienne ancienne
Pascal Nicolaïdès (Paris)
- La dynastie des Orontides (401 à 95 av.JC)
|
- Une pièce de Kiurike frappée en Grande Arménie portant des caractères arméniens (1000 apr. JC)
- La dynastie des Artaxiades (190 av.JC à 6 après JC).
|
- Les monnaies des Barons de la Cilicie arménienne (1080-1198)
- Pièces romaines / l'Arménie (69 av.JC à 180 après JC)
|
- Monnaies royales de la Cilicie arménienne (1198-1375)
- Empereurs Arméniens de Byzance (600 à 1200 après JC)
|

Collection Pascal Nicolaïdès
-

A partir du catalogue de l'exposition "Monnaies et médailles arméniennes" réalisée grâce à la collection du Dr Paul Bedoukian au Musée du diocèse de l'église arménienne d'Amérique à New-York en 1971 et de mes recherches personnelles (je possède 35 pièces arméniennes) je vais établir une brêve histoire de la numismatique arménienne.

Durant sa longue histoire -3000ans- et bien que soumise souvent à l'influence de ses puissants  voisins, l'Arménie n'a jamais perdu sa conscience nationale et a existé temporairement comme nation indépendante ; pendant le règne des Orontides (401 à 95 avant JC) et celui des Artaxiades (190 à 6 après JC) le monnayage s'effectuait en caractères Grecs. Le style de ces pièces est original et distinctif.

A partir de l'invention de l'Alphabet arménien au début du 4ème siècle, les monnaies utiliseront les caractères arméniens.

Au  Moyen-Age,  sous les dirigeants de la dynastie des Rubenides (ou Rubeniens) de 1080 à 1375, l'émission de pièces de monnaies fut prolifique, beaucoup de ces monnaies ont survécu. C'est durant cette période que les Arméniens prétèrent mains forte aux Croisés établissant des liens très étroits avec eux

D'un grand intérêt également, à cause de leur signification historique, sont les pièces des empereurs byzantins, qui étaient d'ascendance arménienne (et ils furent nombreux 23 empereurs et impératrices !) et les monnaies romaines ayant l'Arménie comme sujet (Conquêtes de Trajan, d'Hadrien, de Lucius Verus...)

Les conditions politiques ont fait que l'on trouve peu de médailles en Arménie exception faite de quelques unes éditées à la fin du Moyen Age, mais la plupart des médailles que l'on trouve aujourd'hui sont d'origine récente, éditées soit à l'époque soviétique ou par des institutions arméniennes dans d'autres parties du monde.

La dynastie des Orontides d'Arménie (de 401 à 95 avant J.C.) - Les plus vieilles pièces arméniennes

Les Orontides furent les premiers à émettre des pièces de monnaie en Arménie. L'histoire de cette période est encore obscure, bien qu'il soit devenu possible récemment de construire une chronologie des dirigeants de cette dynastie. Les pièces orontides sont extrèmement rares ; seule une petite douzaine est visible dans les principaux musées du monde. C'est durant cette période qu'Alexandre le Grand introduisit l'Héllenisme au Moyen-Orient et les idées occidentales commencèrent à influencer l'Arménie.

On peut voir une pièce du roi "ARSAMES Basileos"  (240 avant JC) en arménien Archam takavor - portant cette inscription en grec, une autre du roi "Abdisares Basileos" (210 avant JC) ainsi qu'une autre du roi XERXES Basileos ( Xerxes takavor) datant de 190 avant JC ; toutes ses pièces en bronze légendées en grec.   

La dynastie des Artaxiades d'Arménie (de 190 avant J.C. à 6 après J.C.)

L'Arménie atteignit le sommet de son pouvoir quand un des rois Artaxiade, Tigrane le Grand, établit son empire s'étendant de la Mer Caspienne à la Méditerranée. Les Artaxiades (Ardachissian Harsdoutioun) émirent de nombreuses pièces en argent et en cuivre. Toutes ont la tiare arménienne si caractéristique. Le récent  regain d'intérêt pour ces pièces est le résultat d'un grand nombre d'études qui ont rendu possible l'établissement d'une classification des pièces de cette période. Environ 600 pièces de cette époque ont été localisées à ce jour dans de nombreuses collections, mais on en découvre encore chaque année.

La pièce la plus connue et la plus reproduite dans les livres d'Histoire de l'Arménie, mais classée par les numismates "assez rare" est bien sûr  la Tétradrachme de Tigrane le Grand  (95 à 56 avant JC) en argent avec à l'avers le buste de profil du roi avec la tiare à 5 pointes sur laquelle figurent une étoile entourée de deux aigles, et au revers la "tychée" d'Antioche - victoire tenant une palme et assise au bord de du fleuve Oronte (représenté sous la forme d'un nageur) et portant l'inscription en grec"Dikran Basileos"  On en trouve quelques exemplaires dans le monde notamment au British Museum, à Munich...

Célèbre aussi la drachme d'argent de Tigrane, portant la légende " Dikran, roi des rois" en grec. On trouve également la drachme du Roi Artavasde II (56-34 avant JC) (Takavor Takavorats Artavasdi)

Plus fréquentes sont les "Chalques" pièces de cuivre  comme celles de Tigrane III (20 à 8 avant JC) avec cette curieuse et belle légende : " Le Grand Roi Dikran, qui aime ses parents et les Héllènes" (Takavor Medzi Dikrani, Dzenorasser yev Hounasser") Ou encore les chalques de Tigrane IV (8 à 5 avant JC)

Pièces romaines relatives à l'Arménie ( de 69 avant J.C. à 180 après J.C.)

Dans sa course expansionniste vers l'Est, Rome livra de nombreuses guerres aux pays qu'elle avait l'intention d'annexer à son empire. L'histoire de ces guerres et de la politique vis-à-vis de l'Arménie sont amplement illustrées par le nombre important de pièces sur lesquelles sont relatés des événements ayant trait à l'Arménie.

Plus de 600 de pièces  en or, argent et cuivre furent émises durant cette période, prouvant l'importance de l'Arménie sur la scène internationale.

Beaucoup de ces pièces représentent la commémoration des victoires romaines contre l'Arménie, tandis que d'autres montrent des faits ou des détails, d'une grande importance historique: par exemple représentation de couronnes arméniennes, armes, personnages militaires, et rois d'Arménie recevant leur couronne de Rome.

Ces pièces, en temps que partie du monnayage extensif romain, ont été étudiées de manière exhaustive. Parmi elles : Germanicus couronnant le roi Artaxiax III (18 après JC), pièce d'Auguste avec au revers une couronne, des armes, et un soldat, (20 avant JC) pièces de Marc-Aurèle montrant l'Arménie vaincue (Armenia capta) et des armes (160 après JC) Antonin le Pieux couronnant le roi d'Arménie Sohamus (140 après JC)  A l'avers de certaines pièces figure en abrégé "arm." ou "armeniacus" signifiant vainqueur de l'Arménie) comme celle de Trajan ou de Lucius Verus...

Empereurs Arméniens de Byzance (600 à 1200 après J.C.)

L'Arménie joua un rôle dominant dans l'histoire de l'Empire Byzantin. Pas moins de 25 empereurs et 10 impératrices furent arméniens où d'ascendance arménienne !

De plus, de très nombreux Arméniens parvinrent aux plus hauts rangs de l'Armée et de l'Eglise. Au terme de la loi, tous les Arméniens de haut rang devaient appartenir à l'Eglise Grecque Orthodoxe. Comme ils ne purent maintenir de liens avec l'Eglise Arménienne, ils ne furent pas reconnus par celle-ci comme "nationaux Arméniens".

Le monnayage Byzantin furt très développé et s'étendit très loin géographiquement. Les pièces byzantines étaient surtout en or ou en bronze.

En 1975 visitant les ruines d'Ani , j'eus la chance miraculeuse de trouver à fleur de terre, une pièce de bronze de Basile II  dit "le Bulgaroctone" (= le tueur des Bulgares), de la dynastie dite Macédonienne, en réalité arménienne établie en Thrace. L'authenticité de cette pièce me fut confirmée par un byzantiniste et date des environs de l'an Mil. De très nombreuses pièces byzantines ont  très largement circulé en Arménie.

Parmi celles ayant trait à des Empereurs d'origine arménienne citons entre autres les pièces d'or ou de bronze de Maurice, (582-602) Maurice-Tibère qui annexa l'Arménie à l'Empire, Constantin II (641-668) de Léon V l'Arménien (813-820) Adepte de l'Iconoclasme, celles figurant deux co-empereurs Basile I et Constantin VII (869-878)...

Une pièce de Kiurike frappée en Grande Arménie portant des caractères arméniens (1000 apr. JC)

Peu de temps avant l'invention de l'alphabet arménien en 406 ap. JC, l'Arménie perdit son pouvoir politique jusqu'à l'établissement du Royaume arménien de Cilicie en 1080 ap JC. Pour des raisons inconnues, ni les Bagratouni (Bagratides) d'Ani, ni le Royaume arménien de Van ( les deux en Grande Arménie) n'émirent de pièces, et ce même, bien qu'ils aient reconquis une indépendance politique suffisante pour frapper monnaie.

Dans ces circonstances, il est intéressant de noter l'existence d'un seul type de pièce émis par un prince du Nord-est de l'Arménie. C'est le SEUL exemple connu de monnaie frappée en Grande Arménie à cette époque, portant des caractères arméniens, et ceci mérite une considération spéciale.

A l'envers un portrait du Christ sur le modèle Byzantin et au revers l'inscription :
I(SOU)S  K(RISDO)S
I(SOU)S  K(RISDO)S  D(E)R  OKNE GORIGEI GOR (A)B(A)GHADIN (Que le Seigneur vienne en aide à Gorige le Garabaghade)

Une autre pièce intéressante issue de Grande Arménie et portant des caractères arméniens appartient au Khan Tartar ABAGHA, (1200 ap. JC) qui apparemment émis cette pièce pour plaire à ses sujets arméniens: elle porte à l'avers des caractères arabes et au revers une croix avec la légende suivante:
D(E)R  A(SDVA)DZ I(SOU)S K(RISDO)S

Les monnaies des Barons de la Cilicie arménienne (1080-1198)

Déplacés de leur foyer ancestral, beaucoup de Princes arméniens s'établirent eux-mêmes dans les Monts du Taurus en Cilicie. En 1080, Roupen qui se disait descendants des rois d'Ani et qui ne devait allégeance qu'à l'Eglise Arménienne, forma une principauté indépendante en Cilicie.

En même temps durant cette période, les Croisés atteignirent la Cilicie sur leur route vers Jérusalem, et il ne fait aucun doute que l'aide des Arméniens fut un facteur important dans le succès des Croisés.

De nombreux princes Roupeniens frappèrent monnaie. Ces pièces nécessitent une étude plus approfondie avant qu'une classification chronologique complète puisse être établie.

On trouve principalement de cette époque des pièces en cuivre (minerai très répandu dans ces régions d'Anatolie, presque à l'état natif). Entre autres des pièces de barons inconnus, du Baron Toros I (1099-1121), du Baron Toros II( 1145-1169), de Roupen II (1175-1187), de Léon II  (1187-1198) à ne pas confondre avec les Rois de l'Arménie Cilicienne qui suivront (1198-1375)...

Monnaies royales de la Cilicie arménienne (1198-1375)

Avec le couronnement du Prince Léon II comme Roi Léon I en 1198 le trésor fut réorganisé et des pièces d'or, d'argent,et de cuivre furent émises. Quelques 14 rois se succédèrent dans ces 175 années, la grande majorité des monnaies portent une légende arménienne.

Comparée aux Principautés Croisées de cette époque l'Arménie Ciicienne fut plus vaste, plus prospère, dura une longue période et son monnayage fut plus répandu. De nombreux collectionneurs de pièces arméniennes se concentrent sur la dynastie Roupénienne depuis que la littérature spécialisée et et un nombre suffisant de spécimens sont disponibles pour étudier cette période. A présent on estime que 30 000 pièces figurent dans différentes collections.

On trouve des double-drams de Léon I (1198-1218), des drams du couronnement de Léon I en argent, des Tanks de Léon 1 en cuivre. Très répandus aussi des trams d'argent et des tanks de cuivre d'Hétoum et Zabel (1226-1270) des trams d'argent de Léon II (1270-1289) et plus rares, des trams d'argent d'Oshin (1308-1320)

-
à suivre