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        Encyclopédie arménienne, 
          Erévan 1977, Tome III, p181
 
Publications de Gorodetsky sur l'Arménie- Anges d'Arménie, Tiflis 1918
 - Aurore septentrionale, Moscou1968
 - Sur l'Arménie et la culture arménienne, Erévan 
          1974
 
 
Gorodetsky eut des relations avec H. Toumanian, 
          A. Issahakian, Djivani, Eghiché Tcharents, Mardiros Sarian, Hakop 
          Hakopian, E. Thatévossian, H. Kotchoyan, Naïri Zarian
 
Sergey 
        Gorodetsky -           Sergey Gorodetsky and Armenians -  |  | 
   
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         Chaque pays, chaque nation a une citadelle 
          chère à son âme. Quand l'histoire du peuple traverse une période heureuse, 
          elle devient le centre de la vie culturelle et politique. Quand le sort 
          harcèle le peuple, elle devient le rempart de la vie nationale, un îlot 
          d'espérance, un gage de reconnaissance. 
 Pour le peuple arménien, c'est justement ce rôle qui a été et est toujours 
          tenu par la région montagneuse du Gharabagh.
 
 C'est la nature elle-même qui lui a conféré une importance énorme. Là, 
          dans les hauteurs inaccessibles du Gharabagh, qui sont le prolongement 
          des plateaux du Kars et du Sévan, durant plus de deux mille ans, le 
          peuple arménien a fait face à la poussée des tribus nomades, sauvegardant 
          sa culture, défendant ses traits nationaux.
 
 Etant ethnographiquement, économiquement et linguistiquement homogène, 
          le Gharabagh est devenu la citadelle de l'Arménie, son aile orientale. 
          Il l'a été dans le passé, il le restera toujours, car le coeur de l'Arménie, 
          la plaine d'Ararat serait indéfendable sans le Gharabagh. Plus d'une 
          fois, au cours de l'histoire, les vagues des invasions sont venues se 
          briser sur la forteresse du Gharabagh, ne parvenant à s'infiltrer que 
          dans les vallées des fleuves, sans cependant pouvoir s'y maintenir longtemps. 
          A maintes reprises les mélikats de la principauté du Sunik, (nom du 
          Gharabagh dans l'antiquité), ont chassé l'ennemi par leurs propres forces. 
          L'histoire se répète et la dernière fois cela s'est reproduit sous nos 
          yeux.
 
 La nature et l'histoire ont crée, au Gharabagh, un type anthropologique 
          bien déterminé. Les habitants de cette région, dispersés dans le monde 
          entier, sont facilement reconnaissables. Le geste noble, un courage 
          à toute épreuve frisant la témérité, une assurance opiniâtre, un amour 
          traditionnel du foyer-voilà les traits sympathiques de l'habitant du 
          Gharabagh, qui sont, pour ainsi dire, la cristallisation des vertus 
          antiques des Arméniens, ternies ailleurs sous les coups cruels de l'histoire, 
          mais conservées dans leur pureté première au Gharabagh. Peuple robuste, 
          de haute stature, qui s'est réfugié dans les montagnes pour échapper 
          à l'ennemi, qui a forci dans l'air pur des montagnes et est resté exempt 
          de tout mélange qui altère la race des habitants de la plaine.
 
 La mémoire historique des Arméniens doit retenir beaucoup de noms retentissants 
          de Gharabaghtsis. Il n'est de domaines où ils n'aient fait montre d'initiative 
          et de talent. Politique, littérature , activités sociales, négoce... 
          ils se sont distingués dans toutes ces branches. On pourrait citer beaucoup 
          d'exemples: c'est pourquoi, sans prétendre à être exhaustif, rappelons 
          quelques uns parmi les plus illustres, dont les noms ont acquis une 
          grande notoriété: parmi les personnalités politiques, Aram-Pacha, Sako 
          Sahakian; parmi les militaires, le général Lazarev; parmi les industriels, 
          Kostia Hambartsoumian; parmi les hommes de lettres, Léo, Amirov, éditeur 
          du ''Messager arménien" à Moscou. La majorité des rédacteurs de journaux 
          arméniens sont originaires du Gharabagh.
 
 Ayant fourni tant de personnalités éminentes parmi sa population mâle, 
          le Gharabagh a aussi créé ou plutôt conservé dans sa pureté, 
          le type premier de la femme arménienne dont la psychologie et les moeurs 
          ont gardé les particularités de l'époque patriarcale.
 
 Forgé par sa culture et ses traditions, le Gharabagh n'a pas, de nos 
          jours non plus, déshonoré sa gloire antique. Ayant rassemblé, comme 
          du temps de Timour-Lang, leurs troupes, les méliks ont défendu l'indépendance 
          du Gharabagh. L'épisode de Chouchi n'altéra pas la vue d'ensemble de 
          la défaite de Nouri-Pacha et, de même qu'à l'époque des invasions précédentes, 
          la ligne défensive reste pratiquement intacte.
 
 Voilà ce qu'est le Gharabagh pour l'Arménie. Sons doute, si cette dernière 
          venait à le perdre, l'idée de l'autodétermination de la nation en eût 
          été fortement affectée. Et, au contraire, ayant le Gharabagh, l'Arménie 
          reçoit un important apport culturel d'énergie qui irrigue les espaces 
          ravagés de l'Arménie, les féconde, achevant ainsi l'histoire glorieuse 
          et séculaire du Gharabagh.
 
 Actuellement, chaque peuple recherche ce qui est son propre. L'avenir 
          des nations ressuscitées dépend de ce qu'elles puissent découvrir en 
          elles-mêmes une quantité suffisante de levure de leur culture nationale. 
          Dans de telles conditions, tous les centres où, pour une raison ou une 
          autre, la vie culturelle s'est concentrée, acquièrent une importance 
          exclusive. C'est aussi celle du Gharabagh pour l'Arménie.
 
 Il est vrai que l'histoire a attiré l'Arménie vers le Sud, vers les 
          mers chaudes, et il est possible que de là jailliront des forces qui 
          feront du Gharabagh la frontière septentrionale de la nouvelle Arménie.
 
 Dans ce cas non plus il ne perdra rien de son importance de fonds culturel 
          intact et vérifié par les siècles.
 
 
Cet article du poète, publiciste et traducteur 
          Serguéi Gorodetski (1884-1967) a paru en 1919 dans le quotidien Kavkazskoïe 
          slovo  de Tiflis.
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