Lettre ouverte aux dignitaires islamiques de France
et aux Présidents d'associations franco-islamiques

Monsieur le Recteur,
Monsieur le Président,

Veuillez nous permettre de vous signaler notre page L'islam et la reconnaissance du génocide arménien.

A ce sujet, nous ne manquerons pas de redire que le nettoyage ethnique qui a été perpétré en 1915 par le Gouvernement Jeune-Turc qui avait pris en mains les destinées de l'Empire otttoman , a été le fait du nationalisme turc et non celui de l'islam : de même que le génocide des Juifs a été un meurtre plannifié par le nazisme et non un fait du christianisme. Le nouveau film "Ararat" présenté à la dernière sélection du Festival de Cannes et qui sort dans les salles de cinéma, montre avec Charles Aznavour comme acteur, comment ce crime agit encore dans la mémoire des descendants des survivants du génocide arménien.

Le dessinateur Farid Boudjellal a remarquablement illustré dans son album de B.D. "Mémé d'Arménie" une telle problématique dans le cadre affectueux d'une famille algérienne de France.

L'Union européenne et nombre de médias, sensibles à une Turquie laïque utilisant l'alphabet latin, tolèrent le négationnisme de l'Etat turc actuel et ses affirmations. Par cette tolérance fautive, on détourne l'attention exclusivement sur l'époque ottomane et on glisse sur les responsabilités morales présentes de la Turquie. Cette attitude complaisante encourage les islamophobes à incriminer à tort l'islam en prétextant que l'Empire ottoman était le détenteur du Caliphat depuis plusieurs siècles.

De plus, le Cheikh-ul-islam de l'Empire ottoman n'a pas manqué d'attiser le fanatisme religieux pendant ces années d'horreur. En effet, déjà en 1911, il était membre du Parti politique Jeune-Turc à Salonique. Cependant l'arbre cache la forêt : il s'agissait avant tout d'un plan d'extermination élaboré par l'appareil d'un Etat. Ce génocide impuni a fait dire à Hitler en 1939 : "Qui se souvient aujourd'hui de l'extermination des Arméniens?", lors d'une réunion où l'ordre fut donné aux troupes S.S. d'envahir la Pologne.

Il est nécessaire de dénoncer le silence qui entoure encore ce crime et son déni -silence qui se veut pudique. Dans le contexte mondial actuel, les détracteurs de l'islam ne manqueront pas de présenter le génocide arménien comme le fait de l'intégrisme islamiste alors que le Gouvernement Jeune-Turc de l'époque, à l'école pan-germaniste, prônait un pantouranisme racial. Il est important que les autorités islamiques de France expriment leur condamnation de ce crime imprescriptible et de son négationnisme.

Une telle déclaration solennelle de votre part, Monsieur le Recteur, Monsieur le Président, touchera le coeur des Arméniens de France qui se sentiront également soutenus par les Musulmans de France, comme ils l'ont été par les Chrétiens et les autres composantes de la Nation française. Les Arméniens attachés à leur Eglise apostolique qui fait partie des Eglises orientales, sont sensibles à l'amitié entre les peuples et aux efforts de Justice et de Paix. Les Arméniens et originaires arméniens appréciront avec gratitude votre témoignage qui s'incrira comme une étape inoubliable et incontournable dans le dialogue islamo-chrétien en France, en particulier avec l'Eglise apostolique arménienne : un dialogue que le CRDA a inscrit à son programme de recherches arménologiques.

Restant à votre disposition pour tout renseignement complémentaire, nous vous prions de croire, Monsieur le Recteur, Monsieur le Président, à l'expression de notre haute considération.


Nil Vahakn Agopoff, chercheur en Arménologie
Paris, Novembre 2002
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