• V - La culture arménienne - Tapis arméniens

  • (1) Filature & nouage - (2) Permanence du tapis arménien à travers les siècles - (3) La manufacture et le négoce des tapis en diaspora et en Arménie à l'époque contemporaine - (4) Le Colloque de Marseille en Février 1991 - (5) Dans les Musées et les collections privées - (6) Le débat sur le tapis Pazyryk au Musée de l'Ermitage - (7) Bibliographie - (8) Commerce Orient-Occident et négoce : témoignages des chroniqueurs et des voyageurs - (9) Se souvenir de Hagop Kapoudjian... - (10) Le Tapis d'Orient : sa présence en Occident - (11) Usage, usure et restauration

La Société Tapis France Orient à Marseille
La fabrication des tapis d'Orient par des Arméniens
(1922 - 1945)
par Armand Tchouhadjian
(*)

  • La fabrication des tapis d’Orient par des Arméniens à Marseille – 1922. Quand on parle de tapis dits d’Orient, dont certains sont tous simplement d’Arménie, il est important de rappeler que cette fabrication s’est pendant un temps « délocalisée » en France terre d’accueil, pour des raisons surtout dramatiques. Les quelques lignes ci-dessous parues dans un journal arménien de Marseille, L’Aiguillon –Organe des Volontaires Arméniens sous le Drapeau Français- N° 148 du 20 juin 1927. résument bien la question :
  • Après les tristes événements de Smyrne beaucoup d’Arméniens, dont le nombre est évalué actuellement à 60.000, sont venus se réfugier en France. La plupart des hommes sont utilisés dans l’agriculture et dans les usines, les femmes spécialisées dans la fabrication des tapis d’Orient sont employées à la fabrique de «Tapis France-Orient» à Saint- Jérôme (Marseille) sous la direction de MM. Imbert et Minassian, et directeur technique Monsieur Tchoukhadjian. Cette société possède 75 métiers à Saint-Jérôme, 50 métiers à Uzès, directeur Yenook Armen, 25 métiers à Gardanne, 36 métiers à l’Orphelinat 35 avenue de Capelette à Marseille, sous la direction de Mme Papazian. Les ouvrières gagnent une dizaine de francs par jour, maximum 15 francs.
  • La Société « Tapis France-Orient » a été fondée en 1923, son capital actuel est de trois millions. Le capital est français et tout le personnel arménien… Il y a aussi les maisons Ferrand de Marseille avec 15 métiers et 50 à Draguignan, Kévork Avanozian avec 30 métiers, et D.Hovaguimian, Bagdadlian, M. Moutafian, M.Zartarian, Tchinarian, Madame Vve Kéchichian. Il y avait en tout près de 400 métiers avec plus de mille ouvrières, dont plus de la moitié auprès de la Société Tapis France Orient…

  • Quelques temps plus tard, dans l’Artistica du 24 octobre 1934 :
    Il nous est rarement donné l’occasion d’assister à une exposition où le vrai charme des tapis est présenté dans un ensemble aussi heureux ( Exposition d’Art à la GalerieDetaille)…….
    Nous sommes restés émerveillés à la vue de tapis de toutes provenance ; parmi elles se trouvent de belles reproductions de tapis d’Orient……
    Nous sommes encore sous le charme que cette visite nous a produit et c’est bien sincèrement que nous présentons nos vives félici- tations à la Maison « Tapis France Orient » Atelier Zaret à Saint Jérôme…(Marseille)
  • Puis dans le Sémaphore le 23 avril 1935 on pouvait lire au sujet du paquebot Normandie:
    …tandis qu’on demandait à Aubusson les tapis des grands locaux, c’est près de Marseille, aux Ateliers de Monsieur Zareh Tchouhadjian - Tapis France Orient- à Saint Jérôme, chemin de la Rose, qu’ont été commandés les épais tapis aux dessins modernes, aux coloris merveilleux qui doivent compléter l’harmonieux ensemble décoratif de chaque appartement de luxe………
    Et un peu plus tard : A Marseille par exemple on vient d’achever la fabrication de quelques tapis destinés aux appartements de luxe du paquebot Normandie. Ce sont d’habiles ouvriers arméniens établis à Saint Jérôme depuis de nombreuses années, qui les ont tissés avec un soin particulier, colorant eux-mêmes la laine, étudiant les dessins originaux qui leur donne-ront ce caractère d’exotisme.
    Ce travail délicat a été fait entièrement à la main.

  • En fait que s’est-il passé ?
    Le succès de l’entreprise est dû à la conjonction de plusieurs éléments.
    La société qui est fondée dans un but humanitaire en 1923 par trois Français, Messieurs Chapuis, Imbert et Honorat (sénateur).
    La présence d’une main d’œuvre consciencieuse et riche de son savoir-faire traditionnel : les réfugiés arméniens. Surtout les femmes.
    L’arrivée de M. Zareh Tchouhadjian, qui dès 1926 apporte à l’entreprise son énergie et sa compétence.
    En effet il fut jusqu’en 1912, directeur artistique et technique de l’Austro-Orientalische (Vienne-Autriche) pour les ateliers de Eréké et de Koum-Kapou près de Constantinople. Ensuite jusqu’en 1920 de la société Petag (Persian Carpet C° Limited. Berlin) à Tabriz (Iran), dont les tapis sont encore réputés dans les salles de ventes.
    Il réunit ainsi tous les ingrédients pour une direction dynamique de la société dont il devient propriétaire en 1932.Pour couronner l’ensemble, l’architecture d’intérieure, qui est en pleine expansion, offre un bon débouché aux tapis.
  • La société engrange les succès. La qualité de sa production est couronnée en France par des prix comme en 1929 à Nice ( Exposition des Arts Décoratifs) ou à Paris, en 1937, avec la médaille d’or à l’Exposition Internationale des Arts et Techniques. Les clients prestigieux conseillés par les grands décorateurs parisiens se succèdent. Ainsi pour les grands hôtels comme le George V, le Grand Hôtel, l’Ambassadeur, le Commodore, rien qu’à Paris. Les Compagnies maritimes font appel à Tapis France Orient pour leurs cabines et appartements de luxe, dont la prestigieuse « Normandie ». Et les grandes Administrations.

Journal L'Aguillon de Marseille
L'Organe des Volontaires Arméniens sous les Drapeaux Français


N° 148, Deuxième Année, 20 Juin 1927

Zareh au bureau en 1928

  • Deux événements dramatiques viendront casser cet élan. L’un d’ordre familiale, avec la disparition de Madame Haïgouhie Tchouhadjian en 1935, qui affectera le milieu familial et incite Monsieur Tchouhadjian à déménager en région parisienne, où il créera un atelier complémentaire pour la réparation des tapis anciens et les teintures délicates des laines.
    L’autre concerne la situation politique européenne, à partir de 1938 et la guerre mondiale qui s’en suivra à partir de septembre 1939.
    C’est l’arrêt des commandes en France, l’effondrement des marchés exports, le départ de certains ouvriers à l’armée et pour finir, la réquisition de l’usine au bénéfice de troupes polonaises repliées en France.
    En 1940 l’atelier parisien et l’usine se trouvent de chaque côté de la ligne de démarcation. Les relations sont difficiles. Les activités s’arrêtent.
    Un projet de réunion avec une société voit le jour en 1945, mais sans succès. Ce sera bientôt la fin d’une belle entreprise humaine.



Zareh à Londres en 1921

Exposition internationale d'Arts et Techniques Paris 1937
Diplôme décerné le 25 Novembre 1937


par le Ministère du Commerce et de l''Industrie
de la République française
à la Société Tapis France Orient
  • Aujourd’hui, il existe nombre de ces tapis et des souvenirs auprès des personnes ayant travaillé dans cette société. Au sein de l’Association ARAM à Marseille, Garbis Artin s’emploie à rassembler ces souvenirs et les documents de cette époque.
à compléter

-I.Présentation - II.Arménologie - III.Recherches-Analyses-Approches ADIC - IV.La vie arménienne en diaspora -V.La culture arménienne - VI.Histoire - VII Arménie(s) - VIII.Les différents environnements & l'Arménie - IX.Génocide de 1915 et enchaînements politico-médiatiques - X.Inconscient(s) collectif(s), Mémoire(s) et 1915 - XI.Religion(s) et Théologie(s)