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Victor Hugo et les répressions turco-ottomanes

  • I/ La répression turque en Crète (1867) - II/ La Légende des Siècles - III/ Les Orientales (1829) - IV/ Notre-Dame de Paris - V/ l'épisode de Batak (1876)
  • Recherches bibliographiques : Louise Kiffer
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I/ La répression turque en Crète : correspondance Hauteville-House, 17 février 1867

  • «Correspondance» (de Victor Hugo), éditée par A. Michel-Ollendorff, Imprimerie Nationale, 1947, 1950 et 1952; Tome III (1867-1873, Addendum), Albin Michel Paris.

  • Hauteville-House, 17 février 1867.

    En réponse du courrier du 16 janvier 1867.

    En écrivant ces lignes, j'obéis à un ordre venu de haut ; à un ordre venu de l'agonie.

    Il m'est fait de Grèce un deuxième appel, Une lettre, sortie du camp des insurgés, datée d'Omalos, éparchie de Cydonie, teinte du sang des martyrs, écrite au milieu des ruines, au milieu des morts, au milieu de l'honneur et de la liberté, m'arrive. Elle a quelque chose d'héroïquement impératif. Elle porte cette suscription: Le peuple crétois à Victor Hugo.

    Cette lettre me dit : Continue ce que tu as commencé. Je continue, et, puisque Candie expirante le veut, je reprends la parole.

    Cette lettre est signée : Zimbrakakis.

    Zimbrakakis est le héros de cette insurrection candiote dont Zirisdani est le traître.

    A de certaines heures vaillantes, les peuples s'incarnent dans des soldats, qui sont en même temps des esprits ; tel fut Washington, tel fut Botzaris, tel est Garibaldi.

    Comme John Brown s'est levé pour les noirs, comme Garibaldi s'est levé pour l'Italie, Zimbrakakis se lève pour la Crète.

    S'il va jusqu'au bout, et il ira, soit qu'il succombe comme John Brown, soit qu'il triomphe comme Garibaldi, Zimbrakakis sera grand.

    Veut-on savoir où en est la Crète ? Voici des faits.

    L'insurrection n'est pas morte. On lui a repris la plaine, mais elle a gardé la montagne.

    Elle vit, elle appelle, elle crie au secours.

    Pourquoi la Crète s'est-elle révoltée ?

    Parce que Dieu l'avait faite le plus beau pays du monde, et les Turcs le plus misérable; parce qu'elle a des produits et pas de commerce, des villes et pas de chemins, des villages et pas de sentiers, des ports et pas de cales, des rivières et pas de ponts, des enfants et pas d'écoles, des droits et pas de lois, le soleil et pas de lumière. Les Turcs y font la nuit.

    Elle s'est révoltée parce que la Crète est Grèce et non Turquie, parce que l'étranger est insupportable parce que l'oppresseur, s'il est de la race de l'opprimé, est odieux, et, s'il n'en est pas, horrible ; parce qu'un maître baragouinant la barbarie dans le pays d' Etéarque et de Minos est impossible ; parce que tu te révolterais, France !

    La Crète s'est révoltée et elle a bien fait.

    Qu'a produit cette révolte ? je vais le dire. Jusqu'au 3 janvier, quatre batailles, dont trois victoires. Apocorona, Vaffé, Castel Selino, et un désastre illustre, Arcadion ! l'île coupée en deux par l'insurrection, moitié aux turcs, moitié aux grecs ! une ligne d'opérations allant par Sciffo et Rocoli, de Kissamos à Lassiti et même à Girapetra. Il y a six semaines, les Turcs refoulés n'avaient plus que quelques points du littoral, et le versant occidental des monts Psiloriti où est Ambelirsa. En cette minute, le doigt levé de l'Europe eût sauvé Candie. Mais l'Europe n'avait pas le temps. Il y avait une noce en cet instant-là, et l'Europe regardait le bal.

    On connaît ce mot, Arcadion, on contrait peu le fait. En voici les détails précis et presque ignorés. Dans Arcadion, monastère du mont Ida, fondé par Héraclius, seize mille turcs attaquent cent quatre-vingt-dix-sept hommes, et trois cent quarante-trois femmes, plus les enfants. Les Turcs ont vingt-six canons et deux obusiers, les Grecs ont deux cent quarante fusils. La bataille dure deux jours et deux nuits ; le couvent est troué de douze cents boulets ; un mur s'écroule, les Turcs entrent, les Grecs continuent le combat, cent cinquante fusils sont hors de service, on lutte encore six heures dans les cellules et dans les escaliers, et il y a deux mille cadavres dans la cour. Enfin la dernière résistance est forcée ; le fourmillement des turcs vainqueurs emplit le couvent. Il ne reste plus qu'une salle barricadée où est la soute aux poudres, et dans cette salle, près d'un autel, au centre d'un groupe d'enfants et, de mères, un homme de, quatre-vingts ans, un prêtre, l'igoumène Gabriel, en prière. Dehors on tue les pères et les maris mais ne pas être tués, ce sera la misère de ces femmes et de ces enfants, promis à deux harems. La porte, battue de coups de hache, va céder et tomber. Le vieillard prend sur l'autel un cierge, regarde ces enfants et ces femmes, penche le cierge sur la poudre et les sauve. Une intervention terrible, l'explosion, secourt les vaincus, l'agonie se fait triomphe, et ce couvent héroïque, qui a combattu comme une forteresse, meurt comme un volcan.

    Psara n'est pas plus épique, Missolonghi n'est pas plus sublime.

    Tels sont les faits. Qu'est-ce que font les gouvernements dits, civilisés ? Qu'est-ce qu'ils attendent ? Ils chuchotent : Patience, noirs négocions.

    Vous négociez ! Pendant ce temps-là on arrache les oliviers et les châtaigniers, on démolit les moulins à huile, on incendie les villages, on brûle les récoltes, on envoie, des populations entières mourir de failli et de froid dans la montagne, on décapite les maris, on pend les vieillards, et, un soldat turc, (qui voit un petit enfant gisant à terre, lui enfonce dans les narines une chandelle allumée pour s'assurer s'il est mort. C'est ainsi que cinq blessés ont été, à Arcadion, réveillés pour être égorgés.
    Patience ! dites-vous. Pendant ce temps-là les Turcs entrent au village Mourniès, où il ne reste que des femmes et des enfants, et, quand ils en sortent, on ne voit plus qu'un monceau de cadavres, grands et petits.

    Et l'opinion publique ? que fait-elle ? que dit-elle ? Rien. Elle est tournée d'un autre côté. Que voulez-vous ? Ces catastrophes ont un malheur ; elles ne sont pas à la mode.

    Hélas.

    La politique patiente des gouvernements se résume en deux résultats : déni de justice à la Grèce, déni de pitié à l'humanité. Rois, un mot sauverait ce peuple. Un mot de l'Europe est vite dit. Dites-le. A quoi êtes-vous bons, si ce n'est à cela ?

    Non. On se tait, et l'on veut que tout se taise. Défense de parler de la Crète. Tel est l'expédient. Six ou Sept grandes puissances conspirent contre un petit peuple. Quelle est cette conspiration ? La plus lâche de toutes. La conspiration du silence.

    Mais le tonnerre, n'en est pas. Le tonnerre vient de là-haut, et, en langue politique, le tonnerre s'appelle révolution.


    Victor Hugo
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II/ La Légende des Siècles

  • "Les Turcs, devant Constantinople
    virent un géant chevalier
    à l’écu d’or et de sinople
    suivi d’un lion familier

    Mahomet deux, sous les murailles
    lui cria : Qu’es-tu ?
    Le géant Dit : Je m’appelle Funérailles
    et toi, tu t’appelles Néant.
    Mon nom, sous le soleil, est France
    Je reviendrai, dans la clarté
    J’apporterai la délivrance
    J’amènerai la liberté... »

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III/ Les Orientales (1829)

  • L'enfant de Chios

  • Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil
    Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil,
    Chio, qu'ombrageaient les charmilles,
    Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
    Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
    Un chœur dansant de jeunes filles.

    Tout est désert. Mais non; seul près des murs noircis,
    Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
    Courbait sa tête humiliée;
    Il avait pour asile, il avait pour appui
    Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
    Dans le grand ravage oubliée.

    Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur le roc anguleux!
    Hélas! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
    Comme le ciel et comme l'onde,
    Pour que dans leur azur de larmes orageux,
    Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
    Pour relever ta tête blonde,

    Que veux-tu? Bel enfant, que te faut-il donner
    Pour rattacher gaiement et gaiement ramener
    En boucles sur ta blanche épaule
    Ces cheveux qui du fer n'ont pas subi l'affront,
    Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
    Comme les feuilles sur le saule?

    Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux?
    Est-ce d'avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
    Qui d'Iran borde le puits sombre?
    Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,
    Qu'un cheval au galop met, toujours en courant,
    Cent ans à sortir de son ombre?

    Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
    Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
    Plus éclatant que les cymbales?
    Que veux-tu? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux?

    - Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,
    Je veux de la poudre et des balles.
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III/ Les Orientales (1829)

  • Clair de Lune

    Per amica silentia lunae (VIRGILE )

    La lune était sereine et jouait sur les flots. -
    La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
    La sultane regarde, et la mer qui se brise,
    Là-bas, d'un flot d'argent brode les noirs îlots.

    De ses doigts en vibrant s'échappe la guitare.
    Elle écoute... Un bruit sourd frappe les sourds échos.
    Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos,
    Battant l'archipel grec de sa rame tartare ?

    Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour,
    Et coupent l'eau qui roule en perle sur leur aile ?
    Est-ce un djinn qui là-haut siffle d'une voix grêle,
    Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?

    Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? -
    Ni le noir cormoran, sur la vague bercé,
    Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé
    D'un lourd vaisseau, rampant sur l'onde avec des rames.

    Ce sont des sacs pesants, d'où partent des sanglots.
    On verrait, en sondant la mer qui les promène,
    Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine. -
    La lune était sereine et jouait sur les flots.
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IV/ Extrait de Notre-Dame de Paris.

  • L'architecture a été jusqu'au quinzième siècle le registre principal de l'humanité, dans cet intervalle il n'est pas apparu dans le monde une pensée un peu compliquée qui ne se soit faite édifice, que toute idée populaire comme toute loi religieuse a eu ses monuments ; que le genre humain enfin n'a rien pensé d'important qu'il ne l'ait écrit en pierre. Et pourquoi ? C'est que toute pensée, soit religieuse, soit philosophique, est intéressée à se perpétuer, c'est que l'idée qui a remué une génération veut en remuer d'autres, et laisser trace. Or quelle immortalité précaire que celle du manuscrit ! Qu'un édifice est un livre bien autrement solide, durable, et résistant !

    Pour détruire la parole écrite il suffit d'une torche et d'un turc.

    Pour démolir la parole construite, il faut une révolution sociale, une révolution terrestre. Les barbares ont passé sur le Colisée, le déluge peut-être sur les Pyramides.
    Au quinzième siècle tout change.
    La pensée humaine découvre un moyen de se perpétuer non seulement plus durable et plus résistant que l'architecture, mais encore plus simple et plus facile. L'architecture est détrônée. Aux lettres de pierre d'Orphée vont succéder les lettres de plomb de Gutenberg.

    Le livre va tuer l'édifice."
  • Notre Dame de Paris., Paris 18xx, page.zzz
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V/ Victor Hugo a rédigé, en 1876, un texte
pour appeler l'attention des nations sur ce qui se passait alors à Batak

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  • "Il devient nécessaire d’appeler l’attention des gouvernements européens sur un fait tellement petit, à ce qu’il paraît, que les gouvernements semblent ne point l’apercevoir. Ce fait, le voici : on assassine un peuple. Où ? En Europe. Ce fait a-t-il des témoins ? Un témoin, le monde entier. Les gouvernements le voient-ils ? Non.

    Les nations ont au-dessus d’elles quelque chose qui est en dessous d’elles, les gouvernements. A de certains moments, ce contresens éclate : la civilisation est dans les peuples, la barbarie est dans les gouvernants. Cette barbarie est-elle voulue ? Non. Elle est simplement professionnelle. Ce que le genre humain sait, les gouvernements l’ignorent. Cela tient à ce que les gouvernements ne voient rien qu’à travers cette myopie, la raison d’Etat ; le genre humain regarde avec un autre œil, la conscience.

    Nous allons étonner les gouvernements européens en leur apprenant une chose, c’est que les crimes sont des crimes, c’est qu’il n’est pas plus permis à un gouvernement qu’à un individu d’être un assassin, c’est que l’Europe est solidaire, c’est que tout ce qui se fait en Europe est fait par l’Europe, c’est que, s’il existe un gouvernement bête fauve, il doit être traité en bête fauve; c’est qu’à l’heure qu’il est, tout près de nous, là, sous nos yeux, on massacre, on incendie, on pille, on extermine, on égorge les pères et les mères, on vend les petites filles et les petits garçons; c’est que, les enfants trop petits pour être vendus, on les fend en deux d’un coup de sabre; c’est qu’on brûle les familles dans les maisons ; c’est que telle ville, Batak, par exemple, est réduite en quelques heures de neuf mille habitants à treize cents c’est que les cimetières sont encombrés de plus de cadavres qu’on n’en peut enterrer, de sorte qu’aux vivants qui leur ont envoyé le carnage, les morts renvoient la peste, ce qui est bien fait ; nous apprenons aux gouvernements d’Europe ceci, c’est qu’on ouvre les femmes grosses pour leur tuer les enfants dans les entrailles, c’est qu’il y a dans les places publiques des tas de squelettes de femmes ayant la trace de l'éventrement, c’est que les chiens rongent dans les rues le crâne des jeunes filles violées, c’est que tout cela est horrible, c’est qu’il suffirait d’un geste des gouvernements d’Europe pour l’empêcher, et que les sauvages qui commettent ces forfaits sont effrayants, et que les civilisés qui les laissent commettre sont épouvantables.

    Le moment est venu d’élever la voix. L’indignation universelle se soulève. Il y a des heures où la conscience humaine prend la parole et donne aux gouvernements l’ordre de l’écouter.

    Les gouvernements balbutient une réponse. Ils ont déjà essayé ce bégaiement. Ils disent : on exagère.

    Oui, l’on exagère. Ce n’est pas en quelques heures que la ville de Batak a été exterminée, c’est en quelques jours ; on dit deux cents villages brûlés, il n’y en a que quatre-vingt dix-neuf ; ce que vous appelez la peste n’est que le typhus ; toutes les femmes n’ont pas été violées, toutes les filles n’ont pas été vendues, quelques-unes ont échappé. On a châtré des prisonniers, mais on leur a aussi coupé la tête, ce qui amoindrit le fait ; l’enfant qu’on dit avoir été jeté d’une pique à l’autre n’a été, en réalité, mis qu’à la pointe d’une bayonnette ; ou il y a une vous mettez deux, vous grossissez du double, etc., etc., etc.

    Et puis, pourquoi ce peuple s’est-il révolté ? Pourquoi un troupeau d’hommes ne se laisse-t-il pas posséder comme un troupeau de bêtes? Pourquoi ? Etc., etc., etc.

    Cette façon de pallier ajoute à l’horreur. Chicaner l’indignation publique, rien de plus misérable. Les atténuations aggravent. C’est la subtilité plaidant pour la barbarie. C’est Byzance excusant Stamboul.

    Nommons les choses par leur nom. Tuer un homme au coin d’un bois qu’on appelle la forêt de Bondy ou la forêt Noire est un crime; tuer un peuple au coin de cet autre bois qu’on appelle la diplomatie est un crime aussi.

    Plus grand, voilà tout.

    Est-ce que le crime diminue en raison de son énormité ? Hélas ! C’est en effet une vieille loi de l’histoire. Tuez six hommes, vous êtes Troppmann ; tuez-en six cent mille, vous êtes César. Etre monstrueux, c’est être acceptable. Preuves : la Saint-Barthélémy, bénie par Rome; les dragonnades, glorifiées par Bossuet ; le Deux-Décembre, salué par l’Europe.

    Mais il est temps qu’à la vieille loi succède une loi nouvelle ; si noire que soit la nuit, il faut bien que l’horizon finisse par blanchir.

    Oui, la nuit est noire ; on en est à la résurrection des spectres. Après le Syllabus voici le Coran ; d’une Bible à l’autre on fraternise ; jungamus dextras ; derrière le Saint-Siège se dresse la Sublime Porte ; on nous donne le choix des ténèbres ; et voyant que Rome nous offrait son moyen âge, la Turquie a cru pouvoir nous offrir le sien.

    Où s’arrêtera-t-on ? Quand finira le martyre de cette héroïque petite nation ?

    Il est temps que sorte de la civilisation une majestueuse défense d’aller plus loin. Cette défense d’aller plus loin dans le crime, nous, les peuples, nous l’intimons aux gouvernements.

    Mais on nous dit : vous oubliez qu’il y a des “questions”. Assassiner un homme est un crime, assassiner un peuple est une “question”. Chaque gouvernement a sa question ; la Russie a Constantinople, l’Angleterre a l’Inde, la France a la Prusse, la Prusse a la France.

    Nous répondons : l’humanité aussi a sa question ; et cette question, la voici, elle est plus grande que l’Inde, l’Angleterre et la Russie : c’est le petit enfant dans le ventre de sa mère.

    Remplaçons les questions politiques par les questions humaines.

    Tout l’avenir est là.

    Disons-le, quoi qu’on fasse, l’avenir sera. Tout le sert, même les crimes. Serviteurs effroyables.

    Ce qui se passe à Batak démontre la nécessité des Etats-Unis d’Europe. Qu’aux gouvernements désunis succèdent les peuples unis. Finissons-en avec les empires meurtriers. Muselons les fanatismes et les despotismes. Brisons les glaives valets des superstitions et les dogmes qui ont le sabre au poing. Plus de guerres, plus de massacres, plus de carnages ; libre pensée, libre échange ; fraternité. Est-ce donc si difficile, la paix ? La République d’Europe, la Fédération continentale, il n’y a pas d’autre réalité politique que celle-là. Les raisonnements le constatent, les événements aussi. Sur cette réalité, qui est une nécessité, tous les philosophes sont d’accord, et aujourd’hui les bourreaux joignent leur démonstration à la démonstration des philosophes. A sa façon, et précisément parce qu’elle est horrible, la sauvagerie témoigne pour la civilisation. Le progrès est signé Achmet-Pacha. Ce que les atrocités de Batak mettent hors de doute, c’est qu’il faut à l’Europe une nationalité européenne, un gouvernement un, un immense arbitrage fraternel, la démocratie en paix avec elle-même, toutes les nations sœurs ayant pour cité et pour chef-lieu Paris, c’est-à-dire la liberté ayant pour capitale la lumière. En un mot, les Etats-Unis d’Europe. C’est là le but, c’est là le port. Ceci n’était hier que la vérité ; grâce aux bourreaux de Batak, c’est aujourd’hui l’évidence. Aux penseurs s’ajoutent les assassins. La preuve était faite par les génies, la voilà faite par les monstres.
    L’avenir est un dieu traîné par des tigres !"

  • Paris, 29 août 1876 "Veltchovska новак
  • Recherches bibliographiques sur web : Louise Kiffer
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