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Les relations entre les arméniens et l'Abyssinie
par le Pr. A.G. Abrahamian (Erévan 1964)
Traduction de Varoujan Bitchakjian, chercheur (Paris)

Il est difficile de dire quand et dans quelle circonstances, les Arméniens ont connu le sage peuple éthiopien. Il est évident cependant que ces deux peuples ont eu à travers des siécles, des communications constantes, et des relations amicales.

Dans les écrits arméniens, les Hapèches sont évoqués sous deux noms différents : les Hapèches ou Khapchiks (*1) et les Ethiopiens; et quant à leur pays, Abyssinie ou Ethiopie.

Sur ces relations arméno-éthiopiennes, les connaissances auxquelles nous sommes parvenues sont malheureusement très pauvres. Les historiens arméniens sont brefs où silencieux à ce sujet. Quant à l'historiographie éthiopienne elle conserve des renseignements, principalement sous forme de travaux relatifs aux Vies de saints ou Hagiographies, et le contenu de ces travaux informe davantage sur les relations ecclésiastiques arméno-éthiopiennes, plutôt que sur les liens économiques, politiques et culturels entre les deux peuples.

A propos de l'ancienneté des relations arméno-éthiopiennes, une tradition en témoigne, que Moïse de Khoren a rapporté autrefois par écrit. Selon cette tradition le roi chaldéen Teutmos aurait envoyé une aide militaire à Priam, avec un contingent éthiopien, dans lequel se trouvait un général arménien, Zarmaïr. En combattant, Zarmaïr fut blessé à mort. En nous rapportant cette légende, le Père narrateur fait montre d'un désir évident que Zarmaïr fut tué par Achille ou par l'un de ses braves.(*2)

Au VIIè siècle, le savant arménien Anania de Chirak fait mémoire dans sa mappemonde de l'existence de trois pays éthiopiens en Afrique ( la Lybie historique) : "L'Ethiopie profonde" " la haute Ethiopie" et "l'Ethiopie intérieure". ( A savoir que l'actuel territoire de l'Ethiopie englobe la Haute Ethiopie). Ce pays suivant les connaissances d'Anania de Chirak était riche en Myrrhe encens et canelle.(*3)

Des informations historiques précises fondent les hypothèses selon lesquelles des commerçants arméniens entrèrent en contact avec les Eyhiopiens, peut être au premier siècle de notre ère, c'est à dire vers l'époque de l'Etat d'Axoum. Il est avéré que le port de Manzi-Atoulis, dans la région de Tigré situé sur la mer Rouge, etait un centre important du transit commercial sur la route des Indes, connu des marchands arméniens ambulants.

Le début effectif des relations arméno-éthiopiennes remonte au sixième siècle. Dans leurs formes primitives ces relations se sont développées à l'abri des regards, sur le terrain religieux, avec cependant des intentions politiques bien déterminées.

Il est bien connu que l'Empire byzantin entreprit aux Vè et VIè s une politique d'assimilation à l'égard de ses peuples chrétiens sujets et qu’il utilisa l'Eglise dans ce but. Ce défi lancé par Byzance devint une politique courante, mise en oeuvre en 451, l'année de la convocation du Concile de Chalcédoine à l'instigation des organisateurs des Assemblées Ecclésiastiques. La subordination docile de Byzance motivée par le devoir exerça une influence sur toutes les cours royales. Ce Concile de Chalcédoine avait provoqué une forte réaction parmi les peuples chrétiens d'Orient lesquels se réunirent et organisèrent le combat pour la confession monophysite, (une seule nature du Christ) l'orthodoxie chalcédonienne et contre les décisions du Concile.

Les disputes confessionnelles qui ont eu lieu au sein des orthodoxies chalcédoniennes et anti-chalcédoniennes furent, quant à la forme des querelles de scolastique religieuse, mais en réalité, ces querelles avaient des fondements politiques, car les peuples d'Orient refusaient leur obédience à l' Eglise officielle de Byzance et de ce fait, ces peuples prirent des positions d'opposition à l'égard de l'Empire byzantin.

Cette lutte dirigée contre l'Eglise officielle byzantine avait renforcé le rapprochement des peuples chrétiens orientaux et entre autres aussi des Arméniens et des Ethiopiens (rappelons que les Ethiopiens selon des informations avaient adopté le christianisme en l'an 318.) (*4)

L'illustre orientaliste russe P.A. Touraev, s'exprimant au sujet des relations entre les Eglises Arménienne et Ethiopiennes, à propos de la primauté de ces relations, s'est expliqué dans les termes suivants : Comme Chalcédoniens, Arméniens et Coptes ont toujours eu entre eux des liens religieux et il y eut entre eux à Jérusalem une communication constante. C'est par l'intermédiaire des Coptes que ces liens se sont étendus aussi aux Ethiopiens. En effet le pays ethiopien demeurait soumis au plan religieux, aux patriarches coptes. C'est pour cette raison qu'ils reconnurent le Patriarcat arménien de Jérusalem. (*5)

Très probablement, c'est en ces temps difficiles de lutte des Eglises orientales contre le chalcédonisme que fut inaugurée cette tradition éthiopienne, selon laquelle l'un des fondateurs de l'Eglise d’Ethiopie, Eustratius, un apologiste de l'Eglise arménienne, serait venu en Arménie où il y mourrut. Cette tradition fut établie à l'époque, sur le terrain consistant de l'amitié arméno-éthiopienne.

La plus ancienne colonie arménienne d'Ethiopie a été fondée d'après les sources historiques, au VIIè s. Le califat arabe soumettant la Syrie, la Palestine et l'Egypte, commença à persécuter les chrétiens. Ce fut là l'occasion de la fondation de la colonie. Une bonne partie des chrétiens refusant de vivre sous le joug arabe, émigra et renforça la population de l'Ethiopie chrétienne.

Les Arméniens en nombre considérable, vivant en Egypte et en Syrie, n'ayant pas la possibilité de retourner dans leur patrie à travers la Syrie et l'Iran sous la domination arabe, furent solidaires de ce courant d'émigration et s'installèrent aux frontières du royaume d'Axoum d'Ethiopie. ( actuellement près de la ville de Dessié)

Les colonies arméniennes, là comme partout, n'ont pas essaimé mais se sont établies dans une région et se sont renforcées par la cohabitation.. Elles ont disposé durant une certaine période, d'une armée privée et elles ont noué des relations commerciales avec le monde extérieur autant que cela fut possible, pendant la domination du Califat, dans les conditions nouvelles où s'édifiait le monde oriental.

Cette communauté arménienne a bénéficié d'une large reconnaissance auprès du peuple ethiopien, lequel, dans sa littérature, l'a mémorisée sous l'appellation d'"Ilôt des Arméniens".

Un candidat aux Sciences historiques, H. Tourchian qui a étudié l'Histoire des relations arméno-éthiopiennes, pense que la colonie arménienne citée ci-devant, avec sa milice privée exemplaire, s'est imposée par son activité culturelle et son expansion commerciale, pendant des siècles, comme "l'Ilôt instructeur" dans l'histoire de l'Ethiopie. (*6)

Quel était le nombre des habitants de "l'Ilôt des Arméniens" d'Ethiopie ? Malheureusement, les sources ne nous donnent pas le moyen de répondre.

Dans la table chronologique éthiopienne de Pajita-Mariami, une indication fortuite nous informe que cette colonie arménienne aurait conservé sa cohésion jusqu'au XVè s. Il est dit dans cette chronique que lorsque le roi d'Ethiopie est venue dans "l'Ilôt arménien", ses habitants l'accueillirent avec magnificence. Le Chroniqueur raconte que lorsque le Roi vit le grand honneur et le respect admiratif qu'il reçut de la communauté arménienne, il s'en étonna et la salua chaleureusement en lui donnant son agrément pour qu'elle s'en retournât en son lieu." (*7)

La colonie arménienne en Ethiopie n'était pas, il s'en faut, au XVè, ce qu'elle avait été à l'époque de la monarchie axoumite. Notamment, la colonisation du Xè s ne recevant plus de nouveaux émigrés avait commencé, en conséquence, à s'affaiblir. A propos de colonisation en grand nombre, les sources historiques ne nous livrent des informations que pour l'époque de Salah Eddin (XIIè s).

Par suite de la férocité exceptionnelle du sultanat d'Egypte envers les émigrants, en 1169, un grand nombre d'Arméniens d'Egypte fuyant ce pays, ont trouvé refuge auprès de leurs compatriotes d'Ethiopie.

Par la suite, au XIVè s , un nouveau courant migratoire est allé vers l'Ethiopie, après la chute du royaume arménien de Cilicie. (*8)

Jérusalem est devenu un grand centre de rencontre et de brassage des Arméniens et Ethiopiens. Elle jouait ce rôle depuis les temps anciens où sous la juridiction du Patriarcat arménien, cohabitaient les communautés syriaque, copte et arménienne.

Ce privilège de la souveraineté patriarcale arménienne provenait d'un acte juridique et administratif qui avait reçu sa forme en l'an 1311 par une ordonnance du sultan d'Egypte Nasr Mohammed. Selon cette ordonnance, Serge, l'Evêque de Jérusalem, est reconnu comme Chef du Patriarcat des Arméniens et des Ordres des Confessions Orientales qui lui sont proches. (*9) Ce droit du Patriarcat des Arméniens de Jérusalem fut également reconnu plus tard par les autorités ottomanes. Ainsi, les religieux coptes, syriaques et éthiopiens pouvaient avoir des relations avec le gouvernement turc par l'intermédiaire du Patriarcat Arménien de Jérusalem. (*10)

Ce Patriarcat arménien de Jérusalem a exercé une grande influence non seulement sur les correligionnaires de confession éthiopienne, vivant à Jérusalem, mais même sur l'Ethiopie. Par exemple on sait qu'en 1539 par ordre du roi éthiopien Lepna Tenkel, les Ethiopiens ont été guidés par les Arméniens et dirigés selon les comptes des calendriers arméniens. (*11)

De temps à autres, le Patriarcat arménien a envoyé ses délégués en Ethiopie. Nous sommes instruits de l’existence d'une telle délégation au XII è. s : un écclesiastique arménien de Jérusalem nommé Eustratios est venu avec ses disciples pour s'occuper de prédication en Ethiopie.

Pour une période plus tardive, Mesrop Taliarian, nous fait une communication intéressante au sujet d'une ambassade iérosolomitaine en Abyssinie : un nonce écrit-il, fut envoyé de Jérusalem en Ethiopie, l'évêque Grégoire, lequel englobant dans sa prédication le monde éthiopien jusqu'à Mouxa, vint de là à Kotchin et affermit tout le monde dans la confession arménienne. (*12)

Dans l'histoire des relations arméno-éthiopiennes, il y a une figure influente favorite, celle de Macaba Egzien dont le nom ecclésiastique est Eusthratius. Il est considéré comme le grand illuminateur et réformateur de l'Ethiopie. Certains manuscrits arméniens prétendent, mais à tort, qu'il était d'origine arménienne. (*13)

En réalité comme cela est expliqué dans les études sérieuses basées sur des oeuvres historiques spécialisées, il était d'origine éthiopienne, mais avait reçu son éducation dans l'ilot arménien de l'Ethiopie. Eusthratius, en tant qu'homme éclairé de son temps, était venu dignement à la rencontre d'ecclésiastiques locaux ignorants et obscurantistes par lesquels il fut persécuté et qui le contraignirent avec ses disciples à quitter le pays natal pour venir s'établir en 1344 en Arménie cilicienne. (*14)

Il créa là une petite communauté abyssinienne et il y vécut durant quatorze ans. Eusthratius et ses diciples y apprirent la langue et la littérature arméniennes. Après la mort d'Eusthratius, son école fut transportée en Ethiopie et avec un long combat, après la mort de Dzara Hagop Nékoussi, trouva une reconnaissance officielle. Il semble que le cénacle d'Eusthratius n'était pas l'unique groupe venu d'Arménie.

Il y a aussi le témoignage dans les manuscrits arméniens : un mémoire relatif à deux voyageurs abyssiniens venus en Arménie en 1421. Mais ceux ci n'eurent pas de succès et furent arrêtés par l'émir mahomettan de Khizan et condamnés à mort. Les Arméniens ont enterré dignement les corps de ces éthiopiens assassinés, et leurs noms ont été mentionnés dans le corpus des martyrs arméniens. (*15) Il y a dans les manuscrits arméniens des informations à ce sujet, selon lesquelles, dans les milieux diplomatiques de la Cilicie arménienne, des tentatives furent faites pour renouer des relations politiques avec le roi d'Abyssinie, et de lui écrire pour l'exhorter à participer aux Croisades.

En effet une lettre nous est parvenue, que le seigneur de Korikos, le prince de Cilicie Hethoum a adressée au Pape auquel il suggère d'écrire au roi d'Ethiopie pour l'exhorter à prendre part aux campagnes des croisades. D'après cette lettre, le roi des Arméniens de Cilicie conseille aussi au Pape de lui faire parvenir la réponse suscitée, pour qu'il la fasse traduire en langue éthiopienne, avant de la renvoyer en Ethiopie. (*16) Il appert de là qu'en Cilicie se trouvaient de bons connaisseurs de la langue éthiopienne, issus probablement de ces militaires éthiopiens qui servaient dans l'armée arménienne de Cilicie.

Quant à la Cour éthiopienne, elle fait montre d'une confiance exceptionnelle à l'égard des Arméniens qui servaient près de son entourage et auxquels furent confiés de hautes fonctions. L'une de ces personnalités arménienne est un dénommé Mathieu, religieux diplomate qui en des jours difficiles , fut envoyé en 1513, comme ambassadeur auprès du roi du Portugal Emmanuel sur ordre de la reine Hélène. (*17) Le motif de l'expédition de cette ambassade aurait été le suivant: un des chefs de tribu d'Abyssinie, Ahmet Mohammet Rerane, avec le concours des peuples arabes et des voisins musulmans était entré en conflit avec le roi d'Ethiopie Lepna-Tinkel, l'avait vaincu, et s'était engagé à introduire par la force le mahométisme en Ethiopie. Il avait détruit les temples et à leur emplacement y avait fondé des mosquées. A l'époque de ces conflits destructeurs, en 1527, l'église Saint Etienne de l'ilôt arménien, construite dans le pur style de l'architecture arménienne, avait été mise en ruines.

Le roi Lepna-Tenkel s'était réfugié sur les montagnes inaccessibles avec sa suite où ils moururent. C'est alors que la veuve du roi, la reine Hélène a confié à l'un de ses gentilhommes arméniens Mathieu, la mission de se rendre auprès du roi Emmanuel du Portugal pour solliciter son aide.

L' Académicien Touraev, en recherchant les motifs du rapprochement arméno-éthiopien établit que Matthieu fut le premier ambassadeur influent de la diplomatie éthiopienne venue en Europe. (*18)

Nous savons aussi de façon assurée que la royauté abyssinienne au XVIIè siécle a eu deux autres ambassadeurs arméniens. L'un d'eux, Mourad d'Alep a été l'ambassadeur aux Indes et le représentant personnel du commerce du roi d'Abyssinie Eassou. Quant à l'autre, également nommé Mourad, il a été désigné comme ambassadeur auprès de Louis XIV en France.

Jusqu'au XVIIè , les Ethiopiens ont eu au regard des Européens, en tant que peuple chrétien, une situation en rapport à leur importance. Au besoin, il sollicitèrent même leur aide. Cependant lorsque les Portugais sous prétexte de leur porter assistance s'introduisirent en Ethiopie, tentèrent d'occuper le pays et de le transformer en colonie, les Ethiopiens ont expulsé tous les Européens et leur défendirent d'entrer en Ethiopie. Parmi les peuples de peau blanche pouvant obtenir un droit d'entrer en Ethiopie, il n'y avait que les Grecs et les Arméniens. (*19)

En ce temps là, tous les Européens qui se rendaient en Ethiopie portaient des vêtements arméniens et se faisaient passer pour Grecs ou Arméniens. L. Alichan a dénoncé le cas de voyageurs jésuites catholiques, Melkon Silvos et Pierre Baillis qui auraient été comme tels de pseudo-Arméniens. (*20) De même au XVIIè siècle, François Berne, un médecin Français voyageant en Ethiopie relate dans ses carnets qu'avant son voyage, des amis lui conseillèrent de se donner l'aspect d'un voyageur arménien ou grec. Il suivit les conseils de ses amis et ainsi, il put au cours de son voyage échapper à des dangers. En effet il écrit prenant en considération l'attitude amicale des Ethiopiens à l'égard des arméniens : "en vérité, j'ai échappé grâce à mon déguisement arménien à de grands dangers." (*21)

Durant la période de leurs relations diplomatiques, les Européens voulurent assurer le fonctionnement de ces relations, tout en utilisant le service des Arméniens.

Il est attesté par exemple qu'au XVIIème siécle, dans le but de créer des échanges diplomatiques franco-éthiopiens, les Français ont utilisé à leur ambassade Elia Enovkian. Celui-ci s'est rendu en Ethiopie pour y assumer les responsabilités qui lui ont été confiées. (*22)

En l'an 1678, l'évêque Jean Akhtamar qui avait assumé auparavant les hautes fonctions du patriarcat arménien de Constantinople et d'Akhtamar, s'est rendu de Paris en Ethiopie pour une mission de responsable politique. On suppose qu'il s'est rendu en Abyssinie afin d'exhorter la cour royale à se rapprocher de la coalition européenne anti-turque qui venait d'être créée. Jean Akhtamar est demeuré deux ans en Abyssinie. En profitant de la bienveillance affectueuse qui lui a été manifestée par les Ethiopiens, il a parcouru suffisament le pays et a écrit à son retour sa remarquable : "Histoire d'un aller-retour en Ethiopie".

Les carnets du voyageur arménien constituent une source originale d'une valeur exceptionnelle relative à l'histoire de l'Abyssinie du XVIIe s. On trouve là des informations précieuses sur les moeurs et les habitudes du peuple éthiopien, sur la structure de l'état, les principaux édifices, les routes ect...

Jean Akhtamar est le premier auteur qui ait réussi à expliquer l'endroit où le Nil prend sa source originairement sous le nom de fleuve bleu, et démentir les légendes contées à ce propos dans la littérature médiévale. Cette relation de Jean d'Akhtamar a été publiée par l'arménologue A. Alboyadjian. Quant à la version russe traduite par l'académicien N. Mari, elle a été publiée par l'evêque Dirair dans " xristianski vostok". (*23)

Aux XVIIe et XVIII è s., les commerçants arméniens se trouvent dans une situation privilégiée. (*24) A cette époque, un groupe d'Arméniens détient de hautes charges dans l'administration d'Etat auprès de la cour éthiopienne. Il suffit pour avoir une idée de la confiance dont bénéficiaient ces Arméniens à la cour des rois éthiopiens, de signaler ce fait qu'au XVIIIe s, dans les années 1760/70, la haute charge du trésor public était passée entre les mains de Sefel, un Arménien originaire d'Arapkir. Cette fonction put à la mort de ce dernier en 1762, être confiée à Hovhannès Tovmadjian, puis transmise à son fils Paul. (*25)

Au sujet des artisans arméniens se trouvant en Ethiopie, il existe des informations : A la cour royale éthiopienne, au XVIIè, on rencontre un arménien spécialisé dans la fabrication de la poudre, qui enseignait aux Ethiopiens l'art de préparer la poudre. (*26)

Il existe diverse mais remarquables preuves à propos des relations culturelles et littéraires arméno-éthiopiennes. Une vie de Saint Grégoire l'Illuminateur et une série d'homélies dont celui-ci est l'auteur supposé ont été traduits de l'arménien en éthiopien. (*27) Comme peuple coreligionnaire avec les Arméniens, les Ethiopiens mentionnent trois fois la célébration de la fête de saint Grégoire l'Illuminateur dans l'année liturgique. Au temps où l'Evêque T. Poladian voyageait en Abyssinie les moines du couvent de Tébra-Paisi lui ont montré une "vie" du roi Tiridate qui fut sans doute traduite de l'Arménien. (*28)

Certains spécialistes arméniens ont vu une ressemblance extraordinaire entre les caractères de l'écriture des Arméniens et celle des Ethiopiens Cela montre que l'inventeur des lettres de l'alphabet éthiopien était familier du système scriptural arménien et que c'est en ayant tenu compte de cet acquis qu'il avait créé l'alphabet pour l'usage des éthiopiens. Dans la catégorie des écrits arméniens conservés dans des registres, et notamment dans ceux des peuples orientaux on peut trouver un volume entièrement consacré à l'Ethiopie, contenant les tables des mois du calendrier éthiopien et du calendrier mobile arménien ainsi que des registres du calendrier fixe romain

Dans la création et le perfectionnement des relations littéraires, "l'Ilôt Arménien" d'Ethiopie en particulier, et la colonie monastique arménienne de Jérusalem ont accompli un vaste travail. Ainsi, il est connu que le Vardapet George, l'un des moines de l'ilot arménien possède un ménologe qui est un chef d'oeuvre écrit en langue Geez (la langue littéraire ancienne des ethiopiens). (*29) Cette oeuvre a été traduite de l'éthiopien par un Arménien dénomé Pétros au moyen de l'original arabe et de ses variantes. (*30)

On connait aussi, conservé dans la section des manuscrits de la Bibliothèque d'Etat d'Arménie, un manuscrit traduit de l' éthiopien, intitulé " Histoires des vies religieuses éthiopiennes" achevée en l'an 1698 des mains du copiste David. (*31) Cette oeuvre semble avoir été traduite à Jérusalem.

L'Académicien B. Touraev dans son ouvrage mentionné plus haut, intitulé " Les relations arméno-éthiopiennes, énumérant les arguments historiques attestant de l'apport des Arméniens à la culture éthiopienne, arrive à la conclusion suivante : "C'est ainsi que les Arméniens, par des siècles de présence en Ethiopie, y ont été reconnus en tant que les représentants les plus différents, d'une activité laïque et religieuse de l’habitat aborigène." (*32)

- (*1) L'ancien terme "Khapchik" désigne l'ensemble des habitants à peau noire d'Afrique

- (*2) Moïse de Khoren, Histoire de l'Arménie. I, 19 et 32. p.70 et 76-77 ( Trad V.LANGLOIS, Paris 1869) et p 88, 138 et 152 trad. A et J.P. MAHE. Paris 1993.

- (*3) Anania de Chirak, Géographie universelle. p 344

- (*4) Cf le manuscrit d'Anania Chirakatsi fol. 344

- (*5) TOURAEV, B. A...

- (*6) L Pyu'.vgh4 Lgef. i'yhgigh dy'[jc R Fsrkgpfyro 7 lgv fif=f]jh4 FBTG{UH (Le serviteur religieux abbyssin S. Eustratius et l'Eglise arménienne) in Etchmiadzin 1956, n° IV et V p. 98-103

- (*7) Abissini en cyrillique

- (*8) A. ALBOYADJIAN

- (*9) A. TER HOVHANNISSIAN, Jamanakatrakan patmutiun S. Ierousaremi. Jérusalem 1890 p. 201

- (*10) NALBANDIAN Op. Cit

- (*11) TOURAEV, B. A en cyrillique

- (*12) TARIATIAN, Mesrop, "Patmutiun hin hnkasdani" tome 3 chap 7 et Evêque POLIATIAN, T, "Ouréqroutiun" in Zartonk 15 mai 1960

- (*13) ALBOYADJIAN A

- (*14) TOURCHIAN H Op. Cit

- (*15) MANANDIAN, H et ADJARIAN, H, "Hayotz nor vkaner" p. 244

- (*16) ALISHAN (P Levond) "Sissakan" p 471

- (*17) DAMIAN Ketsi, a fourni sur ces informations fondamentales transmises par cet ambassadeur arméno-éthiopien, un travail intitulé " Nouvelles sur la localisation du royaume du prêtre Jean" étude approfondie et raisonnée concernant l'Ethiopie; premier écrit sur le sujet en une langue européenne et qui a vu le jour dans une édition à Lisbonne de 1531.

- (*18) TOURAEV, B. A. en russe

- (*19) Cf. KURDIAN, H. Les Arméniens en Afrique selon les sources étrangères de l'Antiquité.

- (*20) Cf ALISHAN

- (*21) en Russe.

- (*22) en russe

- (*23) ALBOYADJIAN

- (*24) 1914 II p. 6-10

- (*25) ALISHAN

- (*26) TOURAEV

- (*27) Op. Cit p.2

- (*28) Ev T. POLATIAN

- (*29) TOURAEV

- (*30) Cf. Hakop KRIKOR, "Ethiopia" Hebdomadaire p. 10

- (*31) Maténadaran Arménien n° 2002, fol 66r°-91r°

- (*32) TOURAEV, B. A.

 
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