Parole gardée de François Besset

  • Á travers l'Arménie occidentale, le vieux guide, Sévan, se souvient...

ARMENIE 1915

  • Hagop, gros commerçant d'abricots et poète ridicule, a des démangeaisons politiques, tandis que les coups de théâtre et les quiproquos se multiplient avec la montée en puissance du premier génocide du siècle. L'Empire Ottoman se suicide. Des âmes basculent dans la folie, d'autres dans l'héroïsme, avec leurs fulgurances démoniaques et leurs nobles couleurs. Personnage historique, Moustapha, ce Juste de l'Islam, saura-t-il, à temps, éteindre le nationalisme vengeur de son propre fils, et Anahide, la Chrétienne farouche, attachée à sa terre, décidera-t-elle sa famille à fuir ?

    Et puis, il y a Anouche, la belle séquestrée, demi-folle, dit-on, ou trop consciente de son destin et de celui de tout un peuple. Ne jouerait-elle pas de cette même folie pour dresser sa voix contre l'Innommable et tenir ce lien fragile entre une réalité désastreuse et sa consolation en contes et légendes millénaires ? Du reste, est-elle bien une seule personne et une seule voix ? S'agit-il, au final, de la même histoire et d'un même souvenir ?

    Parole gardée est la confession paranoïaque d'une mémoire douloureuse, aujourd'hui encore interdite et largement combattue. Un chant d'ivresse pour temps de catastrophe.
    Chez L'Harmattan

François Besset


lors de la semaine du FICEP

au CRDA le 28 Septembre 2004

  • François BESSET, agrégé de Philosophie est professeur au Lycée Carnot de Cannes, en Classes préparatoires aux Grandes Ecoles au Lycée des Eucalyptus à Nice et à la Faculté libre de Théologie de Nice-Sophia Antipolis.

  • A Serge Adamian qui, le premier, aima ce drame.
Extrait de la Pièce, PAROLE GARDEE, Acte III, scène 5.

Méhèmed : Tu donnes asile aux ennemis de la Nation !

Moustapha : Et ton tripot de délateurs accorde trop d'importance aux rumeurs !

Méhèmed : Nous avons des preuves ! Tu donnes asile aux ennemis de la Nation !

Moustapha : Les ennemis de la Nation ?! Ces fillettes transies et ces garçons cravachés à la gueule ? Tu les as vus parqués comme du bétail, et laissés sans vivre, exprès ? Les as-tu bien regardés, couverts de haillons à grelotter sous la pluie, raidis dans la crasse, les pieds mangés par la boue ? Hier, ils formaient ensemble une immense forêt incendiée à pourrir chacun dans un silence trempé, nos petits traîtres.

Méhèmed : Demain, les enfants des Arméniens auront grandi.

Moustapha : Pas eux, il ne grandiront plus. Va rassurer tes amis.

Méhèmed : La pitié est le droit des femmes.

Moustapha : Et la compassion le devoir des hommes. Ma ville est au coeur d'un dispositif criminel sans précédent. Et j'ai ça sous mes fenêtres ! La mort m'embaume, je mange leur peine et sue vos crimes.

Méhèmed : Père ! (Il cherche dans ses poches et lui tend une feuille de papier, suppliant presque).