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ستكتب الأسماء العربية بأحرف ذهبية في التاريخ الأرمني
"Le nom des Arabes sera inscrit avec des lettres d'or dans l'Histoire des Arméniens"

Témoignages arméniens
sur l'aide d'Arabes
pendant le Génocide de 1915

tirés des récits recueillis par Verjine Svazlian
et
traduits en français par Louise Kiffer




Bio-bibliographie de l'ethnologue
Vergine Svazlian (Erévan) :
in English &

Armenian refugees make needlework at _
an Armenian-American sponsored Refugee Camp. _
Aleppo, Syria - 1920 >>>
_
  • Récit n° 104 de Srpouhi Guiguichian, née en 1909 à Arapkir - Témoignage en un mélange de turc et d'arménien

    "Quand on nous a emmenés à Der-Zor, moi j'étais petite, mais je m'en souviens, il n'y avait pas de pain, ni rien à manger, il n'y avait pas d'eau à boire, il n'y avait que des pierres et du désert. Nous avons marché, et marché. Nous sommes arrivés péniblement dans un village. Des Arabes nous ont apporté de l'eau, ils nous l'ont versée goutte à goutte dans la bouche. Et aussi du raisin, grain par grain. Ensuite les Arabes nous ont distribués entre eux. Ils ont donné ma mère à un homme invalide. Ma mère était blessée au bras, le pus s'écoulait comme de l'eau, mais nuit et jour elle travaillait pour cet homme, puisqu'elle était nourrie. Un jour, le voisin de cet homme est venu et a dit: "ta servante est blessée au bras". L'homme a eu pitié, il a apporté dans un récipient une bande de coton enduite d'un onguent. Au bout de quelques jours la plaie fut guérie.
    Ensuite ce voisin a dit à maman: "il y a dans notre entourage une Arménienne, tu veux faire sa connaissance ?"
    Maman l'a rencontrée, et a vu que c'était la sœur de mon père. La nuit, elles m'ont prise avec elles et nous nous sommes sauvées. Nous sommes allées à Ourfa.
    Là, ma mère et ma tante ont travaillé dans une usine. Puis nous sommes allées à Malatya, nous sommes descendues dans le quartier arménien. Nous avons rencontré une femme d'Arapkir, de notre quartier. Elle a dit: "Ah Bon Dieu ! ton fils est ici, il a un signe sur la figure."
    - Et les autres ? a dit maman
    - Les autres sont morts , a dit la femme.
    Ma mère a porté cet enfant sur son dos. Nous sommes venues, mais lui aussi est tombé malade, il est mort en route. Nous étions six enfants, il n'est resté que moi
    Ma mère chantait toujours en pleurant…"
  • Récit n° 194 d'Anna Nazarian, née en 1900 à Guessaria

    J'avais 15 ans quand on nous a déportés. Nous allions à pied. Nous sommes devenus des réfugiés. Nous sommes arrivés à Mouhatta. Je me rappelle, j'étais avec mon père. Ils ont jeté tous les hommes à l'eau.
    Mon père a dit: " n'allez avec personne d'autre; moi je viendrai vous emmener."
    Nous sommes restés là, un homme est venu et nous a dit: "je vous emmène".
    Nous avons dit: "Non, notre père va venir nous emmener". Il a enlevé ma sœur.
    Nous couchions en plein air.
    Dans la journée, nous marchions sans arrêt.
    En route, notre nombre diminuait peu à peu, puisque la plupart mouraient, ou étaient tués, ou restaient en route.
    Le matin, maman nous a apporté à manger.
    Papa n'a pas voulu manger, puisqu'il savait qu'ils allaient les tuer. Ils sont venus, ils ont rassemblé tous les hommes, ils les ont emmenés et les ont tués. Ensuite ils ont pris tout notre argent, et nos bijoux. Je ne peux pas raconter car ça me brise le cœur.
    Le lendemain, ils ont tué mon père. La nuit, ils nous ont fait lever de nouveau. Un homme est sorti de l'Euphrate, nous l'avons vu. Il y a eu de l'agitation, du bruit. Cet homme est venu, il a embrassé sa femme et son enfant, puis portant sa femme il s'est jeté à l'eau, pour que sa femme ne tombe pas aux mains des Turcs, mais l'enfant aussi a été tué et jeté à l'eau. Nous, nous avons marché le long de l'Euphrate. Ils avaient tué mon père. Nous marchions en pleurant. Ma mère m'a pris, ainsi que mon frère Krikor, elle nous a emmenés tout au bord de l'eau et a dit: "nous allons nous jeter à l'eau".
    Ma mère nous a poussés dans l'eau, pour nous noyer, mais son cœur n'a pas pu supporter cela, elle a pleuré et nous a sortis de l'eau.
    J'avais un bracelet au poignet. Une Arabe est venue et a dit à maman: "Donne-moi ce bracelet et ta fille".
    Maman a dit: "ma fille est mariée, son mari est soldat". La femme arabe s'est mise à me tirer par la main. Je n'avais plus de force.
    En face de nous s'avançait un cavalier. Maman lui a demandé de l'eau, pour moi, pour que les forces me reviennent. Il m'a versé de l'eau sur moi, mes forces sont revenues. J'ai bu. Nous avons continué à marcher. Nous sommes arrivés à un endroit où il y avait de l'eau, nous avions un récipient avec lequel nous avons bu de l'eau.
    La nuit est tombée. Nous avions tellement marché dans la journée que nous étions fatigués, nos pieds étaient couverts d'épines; nous étions dans un état lamentable. Puis nous sommes restés trois jours dans un khan à Ourfa. Là, j'ai attrapé la rougeole. Nous avons été obligés de vendre notre âne. Nous sommes restés tout à fait démunis. J'étais malade, mais ma mère m'a emmenée avec elle. Nous sommes restés trois jours à Poumpouch. Il n'y avait pas de lit, pas de nourriture il y avait un marché mais nous n'avions pas d'argent. J'avais mal aux pieds, tellement mal que je pleurais. Nous avons vu une aire à blé. Nous y sommes restés trois jours. Nous avons commencé à ramasser les grains de blé tombés par terre et à les mâcher. Au moins on avait mangé quelque chose. Nous avons eu une inflammation de la figure et des yeux. Nous avions les pieds dans un état déplorable. Maman nous a emmenés jusque Alep. Il y avait une école. Nous y sommes restés.
    Une Arabe est venue, elle voulait m'emmener. Ma mère m'a dit: "Vas-y ma fille, moi je reste ici avec ton frère Krikor.
    La femme arabe m'a emmenée, elle m'a gardée. Je suis restée chez elle un an. Puis il y a eu l'armistice. Ma mère et les autres déportés sont revenus. Soudain j'ai vu mon frère Krikor qui venait boire de l'eau du puits près de notre maison. Mon frère m'a dit: "lève-toi, viens auprès de nous!".
    J'ai été voir ma mère arabe, je lui ai demandé: "est-ce que je peux aller auprès de ma mère ?". Elle m'a permis d'y aller.
    J'ai été avec Krikor, j'ai trouvé maman, je me suis serrée contre elle, je l'ai embrassée.
    Ma mère a dit: "Maintenant je ne te laisserai plus chez eux".
  • Récit n° 115 d'Aram Keusséyan, né en 1908 à Kharpert
    J'avais 7 ans en 1915, quand l'ordre nous a été donné de partir de Kharpert.
    Nous sommes partis, bien habillés, comme si nous allions à un mariage.
    En route, le pillage a commencé. Non pas en une seule fois, mais tous, les uns après les autres, ils prenaient tout ce qu'ils trouvaient sur nous. A la fin, il ne nous restait plus que notre linge de corps, et même ça, ils le voulaient.
    Moi j'étais dans le chariot. Maman me fermait les yeux pour que je ne voie pas les morts sur la route. Puis, maman et mon frère sont restés sur la route, ils ne pouvaient plus marcher. S'ils sont morts ou ce qu'ils sont devenus, je ne le sais pas. Les Turcs arrivaient derrière nous. Ils ramassaient tous les enfants, je ne savaient pas s'ils voulaient nous tuer ou quoi, ou nous adopter. A Der Zor il y avait une fille qui avait sept sœurs, elles avaient toutes été enlevées. Les Arabes nous ont dit en secret: " que ceux qui sont Arméniens ne partent pas" ! Ils nous ont pris, ils nous ont sauvés, ils ont sauvé pas mal d'Arméniens.
    Nous n'avions plus de force, nous avions tellement marché. Finalement, on nous a autorisé à nous arrêter. Ils ont commencé à demander aux grands: tu es Arménien ou Turc ? Ceux qui disaient "je suis arménien", ils les mettaient de côté., et les Turcs de l'autre côté. Les Arméniens, ils les ont tous emmenés au loin, ils les ont tués, ceux qui avaient dit qu'ils étaient turcs ont été sauvés. La nuit , ils nous ont rassemblés, nous les petits dans un endroit comme une colline. Nous étions fatigués, nous nous sommes couchés. Nous nous sommes endormis. Nous étions des enfants innocents, nous ne savions pas, cette colline était un entassement de crânes humains, nous nous en sommes aperçus le matin quand il a fait jour, c'étaient des têtes coupées amoncelées. Dire que toute la nuit nous avions dormi là-dessus, mais nous ne le savions pas.
  • Récit n° 140 de Yéva Manoug Tchoulian, née en 1903 à Zeitoun

    J'étais petite quand ont eu lieu les massacres et déportations de 1915. Je me rappelle quand nous avons quitté Zeitoun, notre village s'appelait Ayguetsa. Ma mère était une belle femme. Elle avait cinq enfants, mais elle les a tous perdus, ensuite c'est elle qui est morte. Je suis la seule à être restée en vie. Les Turcs sont venus et ils ont fait sortir tous les habitants du village, ils nous fouettaient avec une cravache, pour nous faire avancer. Ils ont attaché les mains de tous les villageois derrière leur dos, et ils nous ont emmenés dans un endroit élevé, et fait entrer dans une espèce de caserne. A l'intérieur, avec des poignards, des haches, ils ont coupé aux uns les mains, à d'autres les pieds, ou les bras. Ils nous ont déshabillés, nous ont mis complètement nus, sans chemise, ni culotte. Derrière nous, il y avait un petit garçon à qui ils avaient coupé le bras, il appelait sa mère, mais sa mère était déjà morte d'un coup de poignard. Cet endroit s'appelait Ter Tchorn. Il faisait très froid, nous étions entassés les uns sur les autres, pour nous réchauffer. Le matin, ils sont venus nous rassembler, ont recommencé à nous massacrer, à nous jeter à l'eau. Il y avait une caverne dans le roc, sous laquelle passait une rivière qu'ils appelaient "khapour". Ils ont encore arraché les bras, les jambes, les pieds, ils ont jeté tout le monde à l'eau, la rivière était pleine, il y avait des gens qui n'étaient pas morts, mais blessés, ils pleuraient, d'autres criaient, on sentait l'odeur du sang, on avait faim. Ensuite, les vivants ont commencé à manger la chair des morts; ceux qui par miracle n'étaient pas morts sont sortis de sous les cadavres, ils étaient sortis du flot de sang, de cette caverne ils avaient trouvé un chemin, ils avaient commencé à marcher. Ceux qui avaient bu cette eau sale avaient le ventre tout gonflé, ils sont morts. Et puis moi, je me suis retrouvée dehors, je me suis mise à marcher. Il n'y avait absolument personne. Tout à coup j'ai vu un berger arabe, je me suis approchée. Il a eu pitié de moi, il m'a donné du lait, je l'ai bu, puis il m'a emmené dans sa tente, il m'a donné à manger, j'ai mangé, j'ai repris un peu mes esprits. Après, il m'a emmenée à Marash. Il m'a remise à l'orphelinat allemand de Marash. C'est là que j'ai étudié. En 1921, il y a eu des troubles, nous sommes venus à Alep. En 1946, nous sommes arrivés en Arménie. Après tout ce que mes yeux ont vu, comment ne suis-je pas devenue aveugle ?
  • Récit n° 170 : récit de Karoun Andonian, née en 1910 – Moussa Lér

    J'avais 5 ans quand nous avons été déportés. J'étais petite, mais je me rappelle tout ce que nous avons subi.
    Nous avons vécu pendant 4 ans dans les "tchôl" (déserts) arabes. J'avais déjà oublié la langue arménienne, je disais en arabe: "Allah adigoun, khelé aléyna, chekhve khepez adina". C'est-à-dire: un peu de pain, pour l'amour de Dieu, ayez pitié".
    Ma mère était servante chez les Arabes. Moi j'étais soi-disant en train de jouer sous la fenêtre de cette maison, mais j'attendais que maman qui pétrissait la pâte m'en lance une boulette en cachette par la fenêtre. Je la mangeais toute crue, car le pain cuit était calculé tout juste, elle ne pouvait pas m'en donner."

  • Récit n° 229 de Parouhi Tchorékian, née en 1900 à Nicomédia

    En 1915, quand on nous a déportés, nous sommes restés 12 mois dans le désert.
    Nous étions quatre sœurs, nous nous sommes sauvées. Arrivées au fleuve Khapour, nous l'avons traversé à la nage, et nous avons trouvé refuge chez les Bédouins. Ils nous ont tondu les cheveux car nous avions plein de poux, ils nous ont tatoué la figure avec de l'encre bleue pour que nous ne soyons pas repérées en tant qu' Arméniennes. Ils nous ont donné leurs moutons à garder.
    Près de Cham (Damas, ndt) il y avait un camp militaire, d'où l'ordre a été donné: "Que ceux qui ont chez eux des Arménien(ne)s viennent nous les livrer.
    Notre Arabe était gentil, il ne nous a pas données. Mais plus tard nous nous sommes sauvées pour entrer à l'orphelinat arménien
    De là, nous sommes passées en Grèce. Et de Grèce nous sommes venues en Arménie.

  • Témoignage n° 230 de Parouhi Silian, née en 1900 à Nicomedia

    Je suis née dans le village de Ovadjek
    Nous y vivions bien, nous avions des maisons, des terres. A Stamboul les pachas arméniens faisaient de grandes choses; les Turcs avaient peur d'eux, puisque les affaires étaient toutes entre leurs mains.
    S'ils avaient voulu, ils auraient pu avoir le pouvoir, c'est pour cela qu'on nous a enlevé de nos maisons et de nos terres, on nous a envoyé sur les routes de l'exil.
    Nous sommes restés douze mois dans le désert, sans pain, ni eau, ni maison, sans rien. D'une famille de 9 personnes, je suis la seule à avoir survécu. Ils ont tué ma mère devant mes yeux, ils ont enlevé ma sœur, mon autre sœur était petite, elle est tombée malade, elle est morte; l'autre s'est perdue, nous ne nous sommes pas retrouvées. Ils ont éventré ma belle-sœur enceinte, en disant: l'enfant de cette giavour est-ce une fille ou un garçon ? Voyons ! ils ont fait ça devant nous.
    Moi avec 4 autres filles, je me suis sauvée dans les forêts, il y avait une rivière, nous l'avons traversée à la nage. Un Arabe m'a emmenée chez lui, il m'a dit: Ma fille, c'est vrai que ce n'est pas dans vos coutumes, mais viens que je te couvre la figure d'encre bleue pour ne pas qu'on te prenne pour une Arménienne. Moi j'ai pleuré, je n'avais pas de linge, pas d'habit. Il m'ont tatoué la figure, ils m'ont coupé mes grosses nattes, ils m'ont tondue. Je faisais les travaux de la maison.
    Un jour cet Arabe est venu avec sur son âne un garçon arménien, ils l'ont appelé Abdullah, mais lui m'a dit secrètement que son vrai nom était Avédis. Notre maître lui a donné ses moutons à garder.
    Près de la ville de Cham (Damas, ndt) il y avait un camp militaire, ils ont fait savoir que tous ceux qui avaient des enfants Arméniens chez eux devaient les leur remettre. Notre maître ne nous a pas livrés. Une nuit, avec Avédis nous nous sommes sauvés. Nous sommes entrés dans l'orphelinat arménien.
    De là on nous a emmenés en Grèce. Nous avons travaillé dans une usine de figues. Puis en 1928 nous sommes venus en Arménie.
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