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Les Arméniens en France aux XVI-XVII-XVIII siècles et Relations historiques
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Pages en arménien consacrées à la France des deux tomes du livre du Pr A.G. Aprahamian (Yerevan 1964) :
_ l'Histoire des Arméniens en France [(Tome1)] _
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  • - J. Mathorez, Notules sur quelques Arméniens ayant vécu en France avant 1789, Revue des Etudes Arméniennes, Paris 1922, REA-II, pp.85-90.
    - Louis H. Gray, Une description arménienne de Paris au XVIIe siècle, Revue des Etudes Arm
    éniennes, Paris 1933, XI, pp 1-5.
    - Ferdinand. A. Herold, Le Nicomède de Corneille et l’Arménie , Revue des Etudes Arm
    éniennes, Paris 1923 , III, pp 57-61.




Ascencion de montgolfières à Paris et trajet en Ile de France. Gravure de Aztarar, premier journal arménien paraissant à Madras (Inde)

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La France et l'Arménie à travers l'Art et l'Histoire (Turabian 1962, Pdf, pp.45-49)

[p.45] A l'époque de Chah Abas, les Arméniens venaient en France. La preuve en est, la lettre patente de Louis XIII et de son ministre, le cardinal de Richelieu, qui leur a été accordée, sur leur demande et celle de Chah Abas, le 28 novembre 1629, et qui les autorise à voyager entre l'Arménie et Marseille, voyage qui est déjà mentionné à la date de 1612, dans les Archives de Venise. Un Arménien, Anton, employé de Louis Fréjus, confirme les allées et venues des Arméniens. Les lettres patentes de la Provence de la ville d'Aix (1646), confirment les mêmes faits. C'est ainsi qu'en 1639, mourut à Aix un commerçant arménien, Khodja Panos, sans laisser de testament. Ses biens furent appropriés à la Couronne, et plus tard, le 13 mai 1639, Louis XIII en fit don à un de ses fonctionnaires, Chaylan.

Le cardinal Mazarin insista beaucoup auprès de Louis XIV pour donner un essor nouveau au commerce de Marseille. A cet effet, il songea à établir une colonie arménienne. Quand l'édit de 1660 fut promulgé, le nombre des Arméniens augmenta considérablement à Marseille, au détriment des villes italiennes de Gènes et de Livourne. Ce même édit fut renouvelé en 1703 et en 1706, en faveur de l'importation des étoffes arméniennes. Dans la deuxième moitié du XVII' siècle, au nombre des commerçants établis à Paris, on cite Aghazar, fils de Simon (1651), qui avait été envoyé par son frère Avétik. de Venise, pour recouvrir ses biens confisqués sur un navire du nom de Societa: Martiros, né en l'an 1678, dont le père, Marger Awagchents, était un noble et riche arménien de Djoulfa, emmené par Chah Abas à Nouveau Djoulfa (près d'Ispahan).— A Marseille, de 1689 à 1690, on mentionne les commerçants arméniens suivants : Marger Martirosian, Awétis Têr Astwadzadrian, Caloust Arap, Phanos fils de Malipap, Papadjan Soulthanoum : ce dernier fut nommé, en 1691, représentant de Marseille de Hohan Aghazar de Venise, afin de réclamer au pirate français Marên (Marin ?) deux paquets dans lesquels se trouvaient près de 2.000 agates pour bagues, et plus de 3.000 paires de boucles d'oreilles de la même pierre ; et 250 pièces de toiles des Indes.

Dans le troisième quart du XVIII siècle on mentionne à Marseille Astlwadzatour de Galata (1749-1769), Krikor Akoulétsi (1765), Honannès Thovmadjan qui devient prêtre plus tard (1769).

Tels sont, dans leurs grandes lignes, les renseignements fournis par le P. Alichan. Il est loisible [p.46] et intéressant d'enrichir cette énumération.

Les relations commerciales entre la France et l'Arménie sont aussi vieilles que les voyages des premiers Arméniens en France. On n'en connaît pas le détail aujourd'hui. En attendant qu'un jour heureux fasse découvrir ces précieux documents, il faut descendre jusqu'à l'époque des Croisades pour avoir des textes précis.

Edouard Dulaurier a eu le grand mérite de publier les chartes arméniennes et françaises oui donnent, tant pour la Cilicie que pour Montpellier et la Provence, des indications précieuses sur le commerce d'alors. Il traite également du tarif des douanes, de la condition civiques des étrangers dans l'Arméno-Cilicie, de l'esclavage, du cas de bris et de naufrage, du droit d'aubaine, des contestations et des procès. de l'état des personnes, etc.

Cet état de choses dura tout le moyen âge, et Richelieu ne fit que renouer la tradition lorsqu'il favorisa l'établissement d'Arméniens en France, particulièrement à Marseille, pour augmenter et développer le commerce français. L'imprimerie arménienne établie à Marseille au XVII' siècle, en est une des meilleurs preuves (F. Macler, Mosaïque orientale, p. 39-75).

On trouvera de très précieux renseignements sur le commerce qui s'établit entre la France et les Arméniens, dans l'Etat de la Perse en 1660, par le P. Raphael du Mans..., publié par Ch. Schefer (Paris, 1890). Le P. Pacifique rapporta à Louis XIII une lettre et de riches étoffes qui lui envoyait. Chah Abas ; il « fit connaître aux Arméniens, encore nombreux à Ispahan, des religieux qui purent contrebalancer l'influence des Hermites de Saint-Augustins... » (p. 41 et 285).

Lorsque Chah Abbas mourut, en 1629, ses sujets Arméniens connaissaient de longue date le chemin de l'Europe. « Ils venaient faire à Paris l'acquisition d'objets de luxe. et leur exemple était suivi par des marchands musulmans » (p. XLII). Lorsque les délégués de la Compagnies des Indes arrivèrent à Ispahan. 1665, l'un d'eux alla de préférence loger chez un Arménien (p. L). C'est à cette époque que se placent les fameux voyages de Tavernier qui vendit, rien qu'à Louis XIV, pour trois millions de pierreries qu'il avait recueillies un peut partout, mais surtout en Arménie (p. LXX). Enfin, on ne lira pas sans intérêt, dans ce même volume (p. 342-452), l'appendice intitulé : « Mémoire et relation d'un voyageur qui a été en Perse et Arménie, faisant la relation de ces pays ou commerce qu'on y peut faire ainsy qu'aux Grandes Indes, Mogol, la Chine, Moscovie, Turquie. Traité du négoce qui se peut faire en France par les Arméniens. Les sortes de marchandises que les Arméniens peuvent apporter en France du Levant. » Et ce document énumère, entre autres choses que les Arméniens peuvent apporter en France : des soies, des étoffes or et argent, du coton, des peaux de chagrin de toutes sortes de couleurs, des maroquins rouges, bleus et jaunes, des poils de chèvre, du coton non filé, des noix de Galle, etc. L'auteur de ce Mémoire nous apprend encore qu'en Arménie, les moines et les évêques «après la messe et l'office qui se dit de grand matin, vont travailler à la terre jusques à unze heures qu'ils viennent diner, et disent leur office jusques à deux qu'il retournent travailler à la terre. C'est là tout leur revenu ; au lieu qu'ici c'est le peuple qui leur fait l'aumône, c'est eux qui la font aux autres de ce qu'ils peuvent épargner au bout de l'année de leurs bleds, riz, vins, etc. » (p. 345). Enfin, et pour en finir avec le règne de Louis XIV, le même mémoire rappelle. (p. 350-351), qu'on ne fait pas en France ce qu'il faudrait pour attirer les négociants arméniens qui s'en vont faire leur négoce en Hollande, « c'est qu'aussitost qu'ils ont vendu leur marchandise, ils touchent leur argent... ».

Le Roi-Soleil avait, du reste, été le premier potentat l'Europe qui avait goûté au café et l'on se souvient que c'est un Arménien, Pascal, qui avait établi le premier café en France, à Marseille d'abord, en 1654, à Paris ensuite. Son exemple fut suivi par son compatriote Grigor (Grégoire) d'Alep.

C'est sous le règne de Louis XV, vers 1760, que [p.47] l'Arménien Jean Althen vint s'établir à Avignon, et introduisit dans le comtat Venaissin la culture de la garance.

Auparavant, en 1745, un procès amusant avait été intenté en l'hôtel de Louis-Pierre Blancard, conseiller du roi, par le Chaldéen illuminas, marchand de bijoux dans le Palais Royal, contre le « nommé Aved Diodet, marchand arménien demeurant ordinairement à Constantinople et de présent logé en cette dite vide de Paris... vis-à-vis le cadrer Saint-Honore... » lequel Diodet, ou plutôt le fils du dit Diodet secoua si fortement une caisse de pipes d'écume, quelles se brisèrent, puis il secoua si violemment ledit Chammas qu'il c ressent de grandes douleurs par tout le col auquel du costé droit et du costé gauche nous avons à sa réquisition remarqué deux noirceurs comme contusions et pressions, ayant été à ce qu'il nous a dit, si violemment serré, que depuis ce temps, il crache le sang...».

On note, sous le règne de Louis XVI, à la date de 1778, la Requête de Owanès Kivork et Carabet frères, qui supplient le roi de France de les prendre en pitié et de Ies aider à recouvrer leur fortune, ainsi qu'à leur permettre de continuer leur commerce si fructuex de fils de chèvre (F. Macler, Mosaïque orientale, p. 77-81).
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On écrirait un volume, à vouloir exposer par le détail, Ies relations d'ordre intellectuel, politique et religieux qui rapprochèrent ou éloignèrent Arméniens et Français au cours des âges. Tel ne saurait être notre propos. Ici, comme ailleurs, il faut savoir se borner et indiquer à grands traits les principaux points de contact.

Le premier livre arménien imprimé le fut à Venise, en 1512. Un exemplaire entra immédatement à la bibliothèque du Roy, où il fut revêtu d'une belle reliure aux armes de Henri H (1552). C'est à la méme époque, en 1538, que le fameux Guillaume Postel publia une grammaire de douze langues orientales, et dans laquelle on voit apparaître, pour la première fois à ma connaissance, des caractères arméniens fondus en France. Et dans la suite, on mentionne comme arménisants français : le P. Villotte, Richard Simon, Veyssière La Croze, l'abbé V i llefroy, l'abbé Lourdet, l'abbé Garnier, Etienne Quatremère, etc.

L'érudition n'est pas seule à connaître l'Arménie. La littérature puise largement dans ce vaste domaine. Pierre Corneille avait déjà donné trois chefs-d'oeuvre lorsque, entendant probablement parler de l'Arménie dans son entourage, l'idée lui vint de consulter Je martyrologe arménien, pour y découvrir un thème à tragédie. Le martyre de Polyeucte convenait parfaitement et un nouveau chef-d'oeuvre français, dont le sujet était inspiré par l'Arménie, voyait le jour en 1643.

La comédie ne devait pas rester en retard sur la tragédie et, en 1653, Scarron donnait son chef-d'oeuvre cornique, Don Japhet d'Arménie, comédie en cinq actes et en vers, dédiée au roi. Cette pièce, qui resta plus de cent soixante ans au répertoire, fut représentée en 1721 devant le roi et devant l'ambassadeur de la Sublime Porte, Méhémet-Ali, qui y prit, dit la chronique, un vif plaisir, Don Japhet est un de ces fous ou bouffons qui vivent en divertissant les grands et les rois de la terre : il signe d'Arménie, parce qu'il descend en ligne droite de Noé, dont l'arche s'arrêta en Arménie. Bien que bafoué par les grands qu'il amuse, Don Japhet se console et supporte tout, sur la promesse qu'on lui a faite qu'il épousera la fille de l'empereur du Pérou.

Molière lui-même n'ignore pas les Arméniens, et en 1653 (L'Etourdi, acte IV, scène 3), il recourt à leur langue pour expliquer comment Tunis doit se prononcer Turin.

L'intérêt que porta Louis XIV aux Arméniens est d'ordre plutôt religieux. Il s'agissait, pour ce roi très catholique, de faire rentrer dans le giron de son église des schismatiques, tel que les Arméniens. Il suffit de rappeler la publication de Renaudot sur la Perpétuité de la foy pour s'en convaincre aisément.

Les numéros 141 et 145 du fonds arménien des manuscrite de la Bibliothèque nationale de Paris renferment un nombre respectable de confession de foi envoyées par des prélats orientaux, et surtout arméniens, à Louis XIV, par l'entremise d'Olivier de Nointel, ambassadeur de France près la Porte ottomane.

Une certaine légende a voulu voir dans le patriarche arménien Awétik l'homme au masque de fer. M. Funck-Brentano (Légendes et archives de la Bastille, 1909. p. 107, n. 1), fait justice de cette légende et indique le registre 12745 des archives de la Bastille conservé à la Bibliothèque de l'Arsénal comme contenant un certain nombre de documents relatifs à Awétiq.

En réalité, Awétik était un prélat de l'église arménienne qui, à Constantinople, s'opposait à la propagande des Pères Jésuites. On s'empara de sa personne, et il fut mis sous les verrous à la Bastille, où il copia, entre autres occupatons, les numéros actuels 28, 89, 139, 155, 156, 196, 197, 318 du fonds arménien du département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de Paris. Awétiq poussa la galanterie jusqu'à nommer sa détention à la Bastille un « saint purgatoire » (nu 157). On ne saurait être plus poli.

Le règne de Louis XV est surtout marqué, au point de vue arménien, par l'importante mission de l'abbé François Sevin, 1728-1730, à Constantinople et en Orient. Sevin et Fourmont se rendirent acquéreurs, pour le roi, de nombreux et precieux manuscrits orientaux, parmi lesquels il convient de. mentionner les arméniens.

Ces voyages et ces acquisitions de manuscrits répandaient manifestement la connaissance de l'Arménie dans la France du XVIII siècle, et je me demande si Voltaire ne s'en faisait pas l'écho lorsqu'il intitulait un roman philosophique, Zadig, mot qui, en arménien signifie Pâques. Je crois, du reste, me souvenir que cet écrivain parle, en quelque endroit, des vardapets, c'est-à-dire des docteurs en théologie de l'église arménienne.

La Révocation de l'Edit de Nantes commençait à faire sentir ses funestes effets, lorsque Uzbek écrivait à Mirza : « Tu sais, Mirza, que quelques ministres de Chah-Soliman avaient formé le dessin d'obliger tous les Arméniens de Perse de quitter le royaume, ou de se faire Mahométans, dans la pensée que notre Empire serait toujours pollué, tandis qu'il garderait dans son sein ces infidèles.

« C'était fait de grandeur persane, si, dans cette occasion, l'aveugle dévotion avait eté écoutée...

« En proscrivant les Arméniens, on pensa détruire, en un seul jour, tous les négociateurs et presque tous les artisans du royaume. Je suis sûr que le grand Chah-A bas aurait mieux aimé se faire couper les deux bras, que de signer un ordre pareil, et qu'en envoyant au Mogol, et aux autres rois des Indes, ses sujets les plus industrieux, il aurait cru leur donner la moitié de ses états.

Forcé de fuir Paris, condamné également à Genève, Jean-Jacques Rousseau se réfugia dans la principauté de Neuchâtel, à Motiers-Travers ; affublé d'un costume d'Arménien, il gagnait sa vie en faisant du lacet ; entre temps il rédigeait sa Réponse au mandement de l'Archevêque de Paris (1764) et les Lettres écrits de la montagne. Il disait de son nouveau vêtement que c'est le plus majestueux du monde ; on le dénommait couramment, dans son entourage, le « philosophe arménien ».

Pendant la Révolution, le bonnet phrygien qui fut si en vogue, était également nommé « bonnet arménien ». Est-ce à Rousseau qu'il faut attribuer cette vogue, ou au fait que les Phrygiens, ancêtres supposés des Arméniens, étaient apparentés aux Galates, d'origine gauloise ?

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à compléter


Jean Althen